L'histoire :
A table, le fiston pousse un cri d’alarme à l’intention de ses parents : « Y a un bébé éléphant dans ma salade ! ». Malgré la présence effective et évidente du pachyderme, les parents dénient, sur le ton du mépris qu’ils ont le droit d’exercer, puisqu’ils sont ses parents. Et ils noient le poisson…
Un journaliste TV interviewe un écrivain dans une émission littéraire. Il souligne la puissance poétique d’une phrase : « Elle était bielle sur un plan médiéval d’apiculteur ». Le romancier se permet de rectifier : c’est son correcteur automatique qui a écrit n’importe quoi, car il a écrit ce passage sur son smartphone…
Deux hommes politiques s’affrontent lors d’un débat télévisé, en justifiant la moindre de leur opinion par le fait que c’est celle des français. Les français veulent, les français demandent, les français en ont assez… A force, « les français » devient l’unique élément e langage qu’ils utilisent, et en parlant en même temps.
En classe, un écolier se plaint à sa maîtresse que son voisin de table refuse de lui prêter ses feutres. Ledit voisin est ainsi amené à s’expliquer. En toute simplicité, il avoue qu’il impose à son camarade « un sentiment d’exclusion et de repli sur soi pouvant faire émerger à plus ou moins long terme des comportements de radicalisation islamiste »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec l’humour ravageur et sensé de Zaï zaï zaï zaï, Fabcaro a fait en 2015 une incroyable rafle de prix et distinctions. Les gros éditeurs ont dès lors déroulé un tapis rouge à cet auteur qui a humblement commencé chez la Cafetière et Six pieds sous terre, espérant voir se reproduire le phénomène zygomatico-sociétal. Pour la première fois chez Delcourt, l’auteur Montpelliérain s’emploie dans Open Bar à dérouler une veine vraiment très proche de Zaï zaï zaï zaï, sans le fil rouge du terroriste en cavale armé d’un poireau. Dans un esprit de rough, d’un réalisme froid en bichromie, son dessin n’est certes pas la plus-value première de son œuvre. Surtout que la plupart du temps, Fabcaro se contente de reproduire 6 fois la stricte même disposition des personnages (chaque case est cependant toujours originale !), au sein d’un gaufrier régulier. En revanche, sur le plan des ressorts comiques, c’est à nouveau un régal. Avec un art consommé de la réplique contemporaine qui fait mouche, Fabcaro est un virtuose du contrepied. Celui qui surprend autant dans la dernière case, qu’il en dit long sur notre connerie sociétale ordinaire. On lui note quelques cibles récurrentes : la langue de bois (des politiques), les « éléments de langage » prémâchés, les postures consensuelles, le traitement réservé aux laissés-pour-compte, l’orgueil déplacé qui privilégie le superficiel au détriment de l’essentiel… Subreptices et violents éclats de rire garantis.
