L'histoire :
La différence entre la position du cycliste et celui du conducteur de voiture en dit long sur la dignité de la pratique. La position du cycliste, droit comme un i, évoque les poses de la statuaire antique et renvoie une image noble de l’humanité. Tandis que la position du conducteur évoque plutôt le C cédille et rappelle le téléspectateur avachi dans son sofa ; soit le reflet indigne de l’espèce humaine…
Principe 1 : Tout corps posé sur un vélo voit son regard sur le monde modifié. Principe 2 : Le vélo nous déplace à l’extérieur… mais surtout à l’intérieur de soi. Axiome 1 : A vélo, ça n’est jamais le même qui part et qui revient. Axiome 2 : La bonne humeur est le don du vélo à l’espèce humaine.
Choisir entre vélo ou voiture, ce sont deux visions du monde, mais aussi deux choix de vie. Aller vite ou à son rythme. Consommer des ressources ou l’énergie naturelle. Refuser le climat ou l’accepter. Etre isolé du monde ou au contact. Accepter l’effort ou le refuser. Choisir l’encombrant, le lourd, le clinquant (1500 Kg, 30 000 €) ; ou le fluide, le léger, le modeste (8 Kg, 50€ sur le bon coin).
Tronchet émet une hypothèse : la rotation du pédalier d’un vélo, associée au va-et-vient régulier des genoux, agissent comme le pendule de l’hypnotiseur. Le cycliste est en état d’hypnose, la conscience rationnelle est neutralisée, libérant la part créative et fantaisiste du cerveau. Sinon, comment expliquer le sourire béat du cycliste ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Didier Tronchet entretient une admiration sans borne pour la pratique du vélo, qui n’a de réciproque que le mépris qu’il voue à la voiture. Il l’exprime avec toute la verve et la finesse qu’on lui connait dans ce petit recueil de 54 planches bédessinées en autant de saynètes indépendante. Tour à tour, Tronchet avance parfois des réflexions incontestables sur les aspects positifs du vélo : le bicloune est sportif, relaxant, non polluant, porteur d’un esprit de liberté et souvent la solution à toutes sortes de pathologies. Il alterne avec des théories psychologiques aussi jouissives que fumantes (l’hypnose du pédalier, la selle est une antenne branchée sur le cosmos). Il fait des constatations sociologiques (la voiture est un prolongement de la maison, où l’on promène son espace privé au milieu de l’espace public ; tandis que le vélo est une partie de l’espace public) ; mais aussi des inspirations brillantes (vélo est l’anagramme de « love »… mais aussi de « volé » !)… quitte à en faire des caisses de mauvaise foi exacerbée (le vélo démultiplie le positif, une dispute à vélo est impensable). Tronchet n’en oublie pas pour autant les petites contrariétés : les crevaisons, la vulnérabilité du cycliste face à la voiture ou le vent en sens inverse au retour, alors qu’on se sentait si puissant à l’aller… L’auteur décline son dessin – les gros traits épais qui font sa griffe – de manière certes plus rapide (parfois schématique) qu’à l’accoutumée. Mais ce bouquin aura assurément le mérite de convaincre le plus réticent des cyclistes de troquer sa voiture contre un vélo. Une inspiration de bon aloi, à l’heure du « plan vélo » gouvernemental et de l’impératif de changer nos comportements polluants. Le cycliste est assurément le guerrier du futur !