L'histoire :
Homo temporis : Une pointe de silex pointe au loin, sur un horizon parfaitement blanc et plat. En zoomant, derrière cette pointe se trouve une autre pointe. En zoomant, il s’agit d’un gros rocher, sur lequel se trouve assis un homme préhistorique, nu. Ce dernier est occupé à fabriquer une flèche, en liant une pointe de silex au bout d’une tige. Son œuvre terminé, il empoigne son arc et tire sa flèche. Celle-ci fend le vent en une trajectoire parabolique, jusqu’à venir se ficher sur un autre rocher éloigné, à proximité d’un homme occupé à tailler un gigantesque symbole avec un marteau et un burin. Un symbole en forme de pointe de flèche…
Homo Faber : Une forme recroquevillée se redresse du sol : c’est un homme imberbe et nu. Mais un homme dont les doigts sont comme de longues racines qui restent enfoncées dans le sol. Il entre en lévitation et ses dizaines de longues racines s’enroulent autour de lui, en de jolies formes hélicoïdales…
Homo Logos : Dans la nuit étoilée, deux hommes primitifs se détachent vaguement. La nuit étoile se densifie ou s’espace et forme au fil du temps des formes, des logos, des symboles, des chiffres et des lettres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si cet « ouvrage » peut-être considéré comme de la bande dessinée au sens premier et noble du terme, il n’est pas un livre. 3 rêveries est avant tout une boîte. Une boîte noire qu’on ouvre avec curiosité et, lorsqu’on apprécie Marc-Antoine Mathieu, quelques papilles gustatives qui se mettent en branle, comme s’il s’agissait d’une boîte de chocolats délicatement emballés. Car cet auteur est un chercheur en art séquentiel. Il ne cesse de réinventer le médium, en déstructurant, jouant et étirant ses éléments fondateurs. Dans la boîte, se trouvent trois objets dessinés. Tout au fond, une collection de feuilles de bristol au format de la boîte, reliés par un bandeau sur lequel est indiqué Homo Faber. Un dessin par feuille dévoile l’envol d’un homme et de ses racines, en une hyperbole métaphysique et existentielle que chacun interprétera selon son ressenti. Par-dessus, un leporello (une longue bande en acordéon) baptisé Homo temporis semble évoquer l’humanité et le savoir au cours du temps, le ruissellement ou les répercussions par ondes des actes anciens sur les générations futures, par un jeu de zoom et de déplacement de l’observateur, de l’invention la plus archaïque vers la plus futuriste. Tout part du symbole de la pointe de flèche, un triangle qui donne un « sens » et qui obsède décidément et particulièrement Marc-Antoine Mathieu (cf Le sens). Enfin, une unique longue bande de 19cm de haut sur 8 mètres de long (vous lisez bien, ceci n’est pas une faute d’unité de mesure) est enroulée sur une baguette de bois, notée Homo Faber. Là encore, il est question d’apparition de la connaissance, formée de poussières d’étoiles qui se disséminent ou s’agglutinent diversement dans l’immensité du vide. A vous de vous imprégner, de ressentir et d’en déduire que Marc-Antoine Mathieu est entré dans une autre dimension de la bande dessinée, une dimension ou l’art et la science se mêlent pour faire sens. Un objet insolite, appartenant clairement à une démarche OuBaPienne (pour Ouvroir de Bande dessiné Potentiel), simple à lire, ouvert à l’interprétation (ou pas), mais beaucoup moins facile à ranger/replier…