L'histoire :
Ils peuvent regarder tout ce qu’ils veulent... C’est l’occasion pour lui de montrer à sa fille tout ce qu’il aimait quand il était enfant : Star Wars bien sûr, Retour vers le futur, ou Bilbo le Hobbit. Avec le COVID et le confinement, on a même le temps de se poser et de lire tranquillement. Mais quand ils font des courses dehors, c’est le désert complet, le silence angoissant, l’impression d’une ville morte. 3,4 milliards de personnes sur 80 pays qui vivent désormais chez eux. La nature revit. Mais il n’y a pas que du bon dans cette période particulière. Puisque peu de personnes peuvent travailler à l’extérieur, Internet n’est plus une habitude mais un outil indispensable. Le virtuel a complètement dicté notre vie, que ce soit le télétravail, les réseaux sociaux, les apéros Skype, les plateformes pour les films et séries, les commandes, les dossiers de banque ou de retraite... Au delà du contrôle et des zones floues d’Internet, cette nouvelle tendance a mis aussi en avant d’autres inégalités. Un quart des Français ne possède ni ordinateur ni tablette. Un sur cinq n’a pas d’abonnement Internet. Sans compter près de 800 millions d’élèves dans le monde qui n’ont pas accès à un ordinateur à domicile pour de multiples raisons. Le monde change mais cette nouveauté augmente les exclus et ceux qui ne peuvent pas y accéder…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Saison brune était l’un des ouvrages phare de Philippe Squarzoni. Presque dix ans plus tard, il reprend cette œuvre avec le même titre et l’ajout de l'expression 2.0. C’est qu’ici, l’écologie sera toujours le thème phare, mais avec la réflexion des technologies grandissantes et toujours plus envahissantes. Et le constat est terrifiant : à grands coups de chiffres et d’analyses précises, Squarzoni dresse un bilan sombre et funeste de nos sociétés envahies par le marché des grandes technologies et la nécessité frénétique d’une évolution et d’une surconsommation destructrice pour la Terre. Vous lirez donc des phrases choc et des statistiques sans appel mais aussi un visuel coup de poing. Squarzoni joue habilement avec l’art séquentiel : des puzzles qui se détruisent, des lettres qui se changent petit à petit pour faire apparaître la réalité, des images qui se tordent et se déforment, des détournements de visuels célèbres. On a également un jeu subtil de décalage entre des textes durs et alarmants et des visuels sans importance pris sur Internet ou sur la télé avec des émoticones joyeux comme pour mieux souligner le décalage dramatique entre une situation inquiétante et la non conscience des gens. L’album est une sensibilisation forte sur des sujets méconnus autour de la technologie (ordinateurs, téléphones, tablettes, montres connectés) que ce soit du procédé d’extraction des métaux rares, de la surexploitation des enfants de pays pauvres, des rejets d’éléments toxiques dans les mers de Chine ou de la mondialisation de la production pour faire diminuer les coûts de main-d’œuvre ce qui implique une pollution toujours croissante des transports. Même les téléphones que l’on jette sont facteurs de pollution et le vernis de recyclage cache en réalité une sinistre affaire de déchets dans les pays du tiers-monde. Le propos est brut et violent... mais au final nécessaire pour une prise de conscience. Et c'est finalement bien moins agressif que les politiques économiques coûteuses en vies humaines et en considérations environnementales. Le dessin également peut paraître austère et froid avec un empilement d’images sans lien et sans humanité, mais il permet de dénoncer la froideur du capitalisme qui place l’humanité au bord du précipice et qui jette notre planète dans le vide. On connaissait le ton revendicateur de Squarzoni et le final est une accusation sévère de nos dirigeantes et des grandes multinationales. Une petite lueur d’espoir vient toutefois terminer ce cri d’angoisse. L’auteur propose quelques mini solutions pour ralentir la catastrophe en cours. Lire ce brûlot en fait bien sûr partie…