L'histoire :
Depuis quelques temps, ce brave et honnête Orgon est tombé dans les filets d’un imposteur d’envergure. Subjugué par la ferveur religieuse de Tartuffe, le voilà prêt, en effet, à lui ouvrir sa maison. Pire : sous les manœuvres appuyées du faux dévot, il renie la promesse faite à Valère et décide de marier sa fille Marianne, à ce nouvel ami. Elmire son épouse, Damis son fils et même Dorine la servante, ne sont pas dupes. Ils ont, eux, immédiatement compris les intentions de cet homme de bien. Mais malgré leurs mises en garde, Orgon reste envoûté. Aussi, certain de son emprise, Tartuffe n’hésite pas à tenter de séduire la femme de son hôte. Ce qu’il ignore, c’est que Damis assiste aux palabres. Choqué, le jeune homme accourt prévenir son père. Mais à sa surprise, c’est lui qui est puni : son père le chasse et le déshérite pour faire de Tartuffe son légataire universel. Pour autant, Elmire ne se dit pas vaincue. Elle propose à Orgon de se cacher sous une table et convie l’imposteur à un petit rendez-vous. Se hissant sans complexe à la hauteur du talent de son interlocuteur, l’épouse ne tarde pas à l’embobiner. Méfiant de prime abord, Tartuffe se laisse attraper à ce faux-jeu de séduction. Quasi nu comme un ver et prêt à commettre l’irréparable, le bonhomme est stoppé net par Orgon qui sort de sa cachette. Outré, il invite Tartuffe à prendre la porte et à sortir de sa vie. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour commencer, décrivons la scène finale : une nuit de pleine lune, des nappes blanches sur des tables de banquet, du vin coulant à flot, des hommes debout sur les tables, de la musique et… un « convive » bâillonné, ficelé à un chêne séculaire. Ca ne vous rappelle rien ? Ce clin d’œil aux aventures du plus célèbre des gaulois de la bande dessinée n’a pas d’autre objectif que de confirmer une heureuse conclusion. Car il s’en est fallu de peu pour que le vilain bonhomme ne nous « entartuffe » jusqu’au bout, en assommant définitivement ce pauvre Orgon. Cette fin heureuse est certes un peu rapide. On a d’ailleurs reproché à Molière le brin d’invraisemblance de ce dénouement, cette histoire de cassette, de liste secrète et de clémence du souverain. Facile, peut-être, mais en tous cas permettant à l’auteur originel d’ajouter à la fois une dimension historico-politique à son récit (une fronde sous Louis XIV) et de faire définitivement passer notre faux dévot pour un complet crétin. N’oublions pas que le principal est ailleurs et que pour ce qui est de l’hypocrisie, de l’aveuglement fanatique religieux ou plus généralement du décorticage des mécanismes d’une imposture, la leçon est parfaite. On ne pourra donc que remercier le duo d’auteurs de nous avoir administré avec rigueur cette sympathique piqûre de rappel. Le texte est parfois difficile (on pense surtout aux jeunes générations), la théâtralité un petit frein à la fluidité, mais l’esprit est intact et gardé avec une infime modestie. Comme pour le découpage scénaristique, le dessin se veut porteur de rythme. Il multiplie à nouveau digressions ou apartés graphiques et reste toujours prompt à donner du mouvement. Une véritable belle et bonne adaptation.