L'histoire :
Dame Pernelle est courroucée : elle quitte, sur le champ, la demeure de son bien aimé fils Orgon, sa suivante Flipote sur les talons. Céans rien n’est respecté : on parle haut, on se moque de tout… Dorine, la servante est de ces impertinentes, forte en gueule, qui se mêle de tout. Le fils aîné, un sot, un méchant garnement ; sa sœur semble douce mais cache bien son affaire; sa bru, coquette et dépensière, cherche par tous moyens à charmer les beaux messieurs… La liste est longue des reproches qui la contraignent à quitter les lieux. Mais ces médisances ne seraient-elles pas l’œuvre de Tartuffe ? Le dévot homme a depuis peu élu domicile dans la maisonnée et usant de ruses, sous couvert d’intentions pieuses, il a bien vite envoûté le maître de maison… et vraisemblablement sa génitrice. Elle voit en lui un sauveur qui agit pour le bien et ouvre à cette famille le chemin du Ciel. Néanmoins, en dehors d’Orgon et de sa mère, le reste du foyer n’est pas dupe : ce Tartuffe est un tyran qui cherche à soutirer à son hôte la totalité de son bien. Orgon était un grand homme, mais depuis cette rencontre, il est hébété. Il appelle ce saint homme : « frère », lui offre ses meilleurs mets, ses vins les plus fins et qualifie ses moindres actions de miracles : un parfait aveuglement qui le conduit régulièrement à délaisser les siens. Son beau-frère tente de le raisonner et de faire tomber le masque hypocrite de cet « ami ». Or plutôt que d’ouvrir les yeux, Orgon s’entête et annonce qu’il a décidé de rompre sa promesse auprès du prétendant Valère en donnant sa fille au si formidable dévot…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Alexandre Dumas, Charles Dickens, Jules Verne ou Mark Twain, c’est au tour de Molière d’intégrer la collection Ex-Libris, dirigée de main de maître par Jean-David Morvan. L’adaptation est un genre plus que difficile, plus encore lorsqu’il s’agit de classiques maintes fois adaptés, qui font partie du patrimoine culturel du moindre écolier. Avec Tartuffe, l’exercice est ardu car en outre l’œuvre a, avant tout, été faite pour être jouée. Il faut croire qu’elle a d’ailleurs était fort bien conçue, puisqu’à ce jour, c’est la pièce qui a été le plus souvent représentée. Pour réaliser l’exploit de reprendre cette comédie grinçante de Jean-Baptiste Poquelin, Fred Duval a prévu de morceler l’œuvre en 3 tomes. Ce premier tome reprend les 2 premiers actes et sert de mise en place à la farce, présentant les protagonistes et le thème du récit (sauver les amours de Marianne en démasquant le faux dévot). Le hasard du découpage fait que dans ce volume, notre Tartuffe est absent… Les stars se font, en effet, toujours attendre. L’ensemble est cohérent et fidèle à l’original. Si fidèle, d’ailleurs, que les premières minutes de lectures sont aussi déroutantes que celles vécues sur les bancs du collège, nous contraignant à éplucher chacun des mots, à adopter le balancement des alexandrins scrupuleusement respecté. Le dessin de Zanzim convient on ne peut mieux à cette adaptation : expressif, naïf et léger, conférant à l’album sa théâtralité. Pour donner du mouvement au récit, Zanzim nous balade dans les rues d’un Paris vraisemblable et utilise intelligemment ses décors comme de véritables seconds rôles qui attirent l’œil et suscitent l’intérêt. Une sympathique mise en bouche, un pari réussi : on a même presqu’envie de relire tout Molière !