L'histoire :
« Si je pouvais revenir en arrière, jamais je ne referais ce voyage. A chacun de mes pas, j'ai maudit le gouvernement d'avoir ruiné la vie de tant de jeunes, les contraignant à la fuite. Et ce voyage ne peut pas être comparé à la prison dans mon pays. Si je confronte ce voyage à la prison, je pense que si tu survis à la prison, au moins tu seras un témoin de l'histoire de ton pays, aux yeux de tous, mais si tu survis au voyage, tu n'es rien, sauf pour toi-même : tu es seulement quelqu'un qui est parti. Ce voyage est une punition pire que l'enfermement. Cependant, si on part, c'est qu'il n'y a pas d'alternative en Éthiopie. Il n'y a pas les conditions pour se sacrifier ou pour mourir car il n'y a même pas l'espoir d'un changement. A présent la mort de l'un de nous, en Éthiopie, serait un sacrifice inutile. » - Dagmawi Yimer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etenesh est un récit sous forme de témoignage. 3 ans et demi ont été nécessaires à cette jeune fille éthiopienne pour pouvoir rejoindre l'Italie. 40 mois de calvaire, retranscrits en un peu plus de 110 pages, qui ne laisseront pas le lecteur indemne. C'est tout sauf un cliché, mais les publications choisies par Amnesty International sont toujours de qualité. Un postulat qui, jusqu'à présent, ne s'est jamais démenti. C'est donc une nouvelle fois le cas pour cette BD de Paolo Castaldi, qui nous offre aussi une interview de Dagmawi Yimer, lui-même migrant (voir résumé). L'auteur italien use d'un graphisme très sobre, comme pour ne pas en rajouter. Les scènes les plus violentes – on pense en particulier aux abus sexuels, dont Etenesh et ses compagnes d'infortune ont été les victimes – sont suggérées, ce qui ne fait qu'en renforcer l'impact. A l'heure où la « Jungle de Calais » doit être démantelée, sans qu'on sache quelle alternative proposer aux milliers de réfugiés, ce bouquin vient appuyer là où ça fait mal. Quelle condition humaine réserve-t-on à ceux qui ont fui la famine, la terreur, tout simplement la mort ? Car le lecteur, confortablement installé dans sa lecture et son train de vie lui permettant de dépenser son argent dans cet album, ne pourra le reposer qu'avec la conscience lourde. Celle d'être un privilégié qui n'a pas le droit d'oublier les souffrances intimes et l'histoire douloureuse qui collent à la peau de ces étrangers. Un bouquin remarquable, qui force le respect.