L'histoire :
Sous l’occupation allemande, Jules, cordonnier de profession, rend visite à Marcel, le tenancier du Café de la Place. Les réquisitions sont telles que son cuir n’a toujours pas été livré. Ça ne l’empêche pas de s’envoyer un petit ballon de rouge sur le comptoir et de s’embrouiller avec le boucher local. Puis il retourne dans sa boutique à travers une route tranquille de campagne. Il tire ainsi son diable derrière lui, lorsqu'il assiste à un curieux accident. Une voiture sort de la route et s'encastre dans un arbre. Jules accourt et découvre le conducteur mortellement blessé, ainsi que trois enfants cachés dans le coffre, terrorisés. Vu le contexte, il se doute qu'il doit s'agir de juifs, mais étant donné que la voiture risque de flamber, il n'écoute que son courage, les tire de là et les ramène secrètement chez lui. Il les cache car son voisin ne semble pas très a l'aise avec la judéité... Puisqu'ils sont recherchés par les allemands, « il vaut mieux les fuir ». Jules boit un coup de rouge, pour faire le point. Il est un petit peu devenu alcoolique depuis que sa femme Héléna l'a quitté pour partir vivre avec le baron local. Jules manque d'ailleurs de faire une grosse bêtise, en allant faire un petit tour du côté du château, son fusil à la main. Il rentre finalement cuver son vin dans son lit. Toujours terrorisés, les enfants se demandent quel sort cet homme inquiétant leur réserve...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En assurant le dessin de la tendre impertinente Lili Pirouli, Armelle Modéré était jusqu'à présent surtout connue des tout jeunes lecteurs (et de leurs parents). L'actrice se mue aujourd'hui en auteur complète pour vieillir un chouya son lectorat et pour livrer une histoire longue et entière sur un sujet historique grave. Modéré rend en effet un bel hommage à son grand-père, prisonnier de guerre durant la seconde guerre mondiale, et par extension, à tous les « justes ». Dans le contexte de l'époque, ce terme désigne les hommes qui ne cédèrent pas aux pulsions de l'antisémitisme ambiant, qui écoutèrent leur cœur et leur raison pour sauver des juifs, au mépris du danger. Le Jules B. ici « fantasmé » est un homme seul, sentimentalement blessé, faillible dans son équilibre de vie, mais impeccable concernant son humanité. Sans craindre apparemment l'occupant ennemi, il aide des enfants juifs à fuir et à retrouver leur famille. On peut trouver ce canevas narratif réducteur... mais il ne faut pas oublier que la simplicité intellectuelle prévaut dans les fondements de l'antisémitisme. Tout naïf soit-il, ce type de scénario a été tragiquement réaliste pour des milliers de juifs traqués. L'apparente simplicité de l'histoire a aussi l'avantage de se mettre au niveau pédagogique d'un jeune lectorat, de manière limpide, sans usage d'une mise en scène spectaculaire et sans pathos. L'utilisation des personnages zoomorphiques va dans ce sens : elle permettra aux enfants de s'approprier l'histoire seuls, et laissera l'occasion aux adultes d'en développer ensuite tel ou tel aspect...