L'histoire :
Laurent est devenu papa. C’est le moment pour lui de faire un point sur sa vie passée, son enfance. Faire ce bilan s’est imposé de façon naturelle à l’arrivée de sa fille. En devenant à son tour père, il a compris bon nombre de choses. Il évoque ses souvenirs au sens large. Des souvenirs olfactifs, ceux des pins qui le rassuraient quand il allait faire du vélo, à des moments plus profonds et précieux avec ses parents et son frère. Il exprime le fait de reproduire un modèle familial qu’on a plus subi que choisi. Il parle également de l’importance de ne pas transmettre les choses que l’on juge « néfastes ». Ce qui amène à un questionnement personnel sur son propre mode d’éducation, comme il exprime très justement « se reproduire sans reproduire ». C’est avec tact qu’il énonce un fait actuel : les pères d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, souvent dénués d’émotion et de sentiments. Nos patriarches sont plus investis, plus sensibles ou du moins, ils osent montrer leur « faiblesses » d’êtres humains. Il remercie ses parents qui ont toujours cru en lui et l’ont toujours soutenu dans ses choix. Il salue leur tolérance notamment envers son travail d’artiste, un milieu méconnu pour eux. Il nous présente sa fille, celle qui a tout fait basculer dans sa tête, celle pour qui il veut être un bon père. Il annonce également la naissance prochaine de son fils. Il est heureux d’avoir eu l’approbation de son père après la lecture de son travail. Finalement, la reconnaissance de ses parents, n’est ce pas ce que l’on recherche toute sa vie ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avant d'être auteur de bande dessinée, Laurent Bonneau est surtout un artiste. On lui doit de nombreux ouvrages (Les Brûlures, On sème la folie, Ceux qui restent...). Dans ce nouvel album qu'il scénarise tout autant qu'il dessine, il nous parle de son enfance et plus particulièrement de son père. C’est une introspection, un travail qu’il a fait sur lui-même, un récit intimiste qu’il a commencé il y a plus de 10 ans, mais que la naissance de sa fille a déclenché. C’est en devenant père qu’il a souhaité à son tour rendre hommage au sien, dans la crainte qu’il disparaisse un jour sans avoir entendu (lu) toute sa gratitude. Il exprime donc son ressentit, avec pudeur et délicatesse, et il interroge avec pertinence « doit on attendre l’absence pour manifester sa présence ? ». Son dessin est de nouveau un régal, une prouesse, un mélange de styles fusain-peinture-photo avec un découpage de bulles non conventionnel, et un découpage parfois sur une page complète. Il dessine comme il peindrait un tableau, tantôt coloré, tantôt plus sombre, à l’image de ses émotions. Le tout accorde une dimension visuelle essentielle pour un récit humain et touchant. Cette lecture bouleverse et renvoie forcément à la propre histoire des lecteurs, avec un texte d’une justesse presque déstabilisante. Une ode à la parentalité, qui ouvre à la réflexion. La sagesse des adultes ne viendrait-elle pas des enfants ?