L'histoire :
Allongée sur le ventre dans l’herbe tendre et fraiche sous un chêne majestueux, la petite Alice ne fait rien de plus que de railler gentiment sa grande sœur occupée à lire. Soudain, elle est surprise de voir défiler juste devant ses yeux, un gros lapin blanc, avec une montre à gousset, transpirant des « Oh là là ! Oh là là ! Je vais être en retard ! ». Intriguée, la petite fille se lance à sa poursuite et ne craint pas d’entrer dans un profond terrier. Si profond, d’ailleurs, qu’elle fait une interminable chute pour se retrouver au beau milieu d’une salle circulaire garnie de portes de tailles diverses et variées. C’est la plus petite d’entre elles qui emporte son choix, celle avec une toute petite clef et qui semble déboucher sur un sublime petit jardin. Seul problème : elle est bien trop grande pour pouvoir s’y aventurer. Ce petit flacon sur lequel est inscrit « Bois-moi » serait peut être le sésame lui permettant de visiter ce charment endroit. A moins qu’il ne soit le véritable début de ses ennuis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comment rédiger une chronique objective lorsque l’objet de l’exercice s’amuse avec une œuvre qui, depuis l’enfance, vous sort copieusement par les narines ? Comment peser ses mots, lorsque, qui plus est, avec l’arrivée sur les écrans de l’adaptation du roman par le grand Tim Burton, le 9e art s’y colle avec opportunisme pour nous proposer, via plusieurs éditeurs, de compléter l’indigestion ? On pourrait mentir et encenser la magie onirique, enfantine, de l’expérience engendrée par cette chute hasardeuse au fond d’un terrier. On devrait reconnaitre le tour de force réussi par le conte qui, en malmenant notre si chère et rassurante logique, chatouille avec force volupté notre imaginaire endormi par le train-train. On aimerait, par des courbettes, faire l’apologie de cette ode à la curiosité et à l’incroyable capacité à refuser de se laisser marcher sur les pieds si caractéristique chez ce petit bout de fille s’endormant dans son jardin. Mais voilà : Disney est passé par là, avec ses gros sabots, sa gamine geignarde et ses mélodies sirupeuses donnant la nausée… Profitons alors simplement, pour tenter de se réconcilier avec, ce qu’il convient tout de même d’appeler, le chef d’œuvre de Lewis Carroll, de cette nouvelle version déclinée avec talent par David Chauvel et Xavier Colette. Le premier livre une adaptation très fidèle au récit originel, rythmée par une mise en scène efficace, dans laquelle les situations les plus connues du roman trouvent leur place avec évidence. On regrettera peut être que « le jeu d’écriture » si marquant chez Carroll soit moins présent. Et pour cause : le travail graphique du second est tout simplement somptueux avec un accessit pour la mise en couleur qui, à elle seule, met en place cet univers si particulier. Grâce du trait, génie des perspectives, fluidité du mouvement, douceur des expressions, balayent à eux seuls les quelques clins d’œil au célèbre dessin animé et font de cette lecture, quelque soient les à priori, un délicieux moment.