L'histoire :
On s’agite chez les Poissart, à en rendre raide de jalousie le voisinage tout entier... La boule à neige avec la Tour Eiffel, posée comme il faut sur le rebord de la cheminée, le petit compliment préparé par la fille ainée, le ménage fait du sol au plafond : Maurice, sa femme et leur progéniture s’apprêtent à recevoir l’équipe de l’animateur vedette du petit écran, le bon Mazerand pour un reportage exclusif... sur leur pauvreté. Et il faut dire que ça marche, avec une caméra cadrant la tapisserie kitch, les boîtes de chocolats punaisées, les fauteuils hideux, les bibelots sur le bahut en formica… Le tout accompagné d’un ton grave et des petits trémolos dans la voix, le reportage a tout l’air d’être un succès. Et si en plus de l’autocollant de la station récolté par le petit dernier, on proposait, au regard de sa prestation, un boulot à Maurice…Un travail dans la capitale ? Il dirait non, si ça devait l’éloigner de sa femme et de ses enfants : ils sont sa seule richesse…et c’est loin d’être une métaphore. En tous cas, leur passage sur le petit écran aura donné une idée aux Landry, la famille de l’ingénieur qui habite la grande maison du bout de la rue : faire découvrir la pauvreté à leur insupportable gamin, Jean-René…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Drugstore prolongent la réédition, en mai dernier, de quatre albums initialement publiés chez Delcourt et Albin Michel sous le titre, Les damnés de la terre associés et d’un tout nouvel opus (Les Poissart au Paradis). Ils nous proposent ici de compiler trois de ces titres parus à la fin des années 80. Avec sa Saga des Poissart, l’ancien journaliste Didier Tronchet nous invite à partager en quelques saynètes à l’humour noir-corbeau le quotidien d’une bande de loosers miséreux (et également celui de quelques uns qui leur appuient bien fort la tête sous l’eau). Cynisme, cruauté bienveillante, savoureuse science du décalage ou de l’absurde alimentent avec une certaine justesse et un vrai sens de la réalité (si l’on oublie le choix caricatural opéré) une chronique de la misère ordinaire. Tronchet ose nous enfoncer le nez dans notre humanité. Peu frileux du politiquement correct et mettant sur un pied d’égalité nantis et France d’en bas, il les unit, pour nous faire rire, dans une furieuse et même abyssale connerie. Sans oublier, en sus, de nous montrer que de misère et de connerie, on en meurt sans difficulté. Derrière la leçon, il y a cette faculté à tirer le rire coûte que coûte, à la manière d’un Desproges, en une ultime révérence à notre amour invétéré pour notre prochain. Et si la famille de Maurice Poissart offre son patronyme à l’exercice, en une jolie accumulation de malchances tous azimuts, à laquelle s’ajoute une naïveté à manger du foin…Allez aussi jeter un coup d’œil du coté de Paintex, notre showman préféré. Faites un petit tour chez l’ingénieur Landry et sa maladive bonté. Allez respirer une bonne goulée au sanatorium option dortoir des anus artificiels, ou prévoyez une bonne petite laine pour papoter poésie en compagnie de Mimile… Mais n’oubliez surtout pas l’épicier Grobert (c’est vraiment lui le champion !!), sa prose pornographique et son indispensable franc-parler... Servie par des dialogues percutants et un dessin au diapason, une intégrale que les amateurs de Didier Tronchet ne devraient pas bouder.
