L'histoire :
Samedi 4 mai 1946. Voici maintenant 6 ans qu'il est décédé et repose là, six pieds sous terre. Après avoir fleuri la tombe de son ami, Victor se grille une cigarette. Il repense à Chris qui aimait tant vivre et être l'objet de tous les regards. Pourquoi ce jour de mai 1940 devait-il être son dernier ? Lorsqu'ils se retrouvèrent tous, eux et leurs-compagnons d'infanterie, après que le pays ait capitulé devant l'ennemi nazi, le goût de la défaite était encore amer dans la bouche de Chris. C'est sûr, ils avaient été trahis ! Les canons avaient été sabotés, les fusils aussi. Il aurait fallu aller jusqu'à se battre à mains nues pour leur faire rendre raison à ces salauds ! (…) En quittant le cimetière, Victor croise Esther sur son chemin. Le jeune homme la pensait morte, elle aussi. C'était sa fiancée avant la guerre. Hier encore, il ne pensait plus la revoir. Apprenant la nouvelle de la mort de Chris, Esther demande à ce que Victor lui raconte toute l'histoire. S'arrêtant à nouveau devant sa tombe, Victor commence à parler, avec beaucoup de difficulté. Le traumatisme est encore profond et le secret pesant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lorsque le lecteur referme cette première partie de diptyque annoncé, il découvre un dossier mettant en lumière tout le travail documentaire accompli par l'auteur. Basé sur des faits réels, Erik de Graaf signe en effet un ouvrage « témoignage » sur l'entrée en guerre des Pays-Bas contre l'Allemagne nazie en 1940, ou plutôt sur leur amère défaite, rapide car trop inégale. Imaginant les regrets qu'un jeune soldat peut avoir au sortir de cette guerre, il décrit comment lui et ses ami(e)s ont vécu la menace d'une invasion, la mobilisation, l'effroi de la capitulation, puis les prémices d'une résistance (que l'on appréhenda sans doute plus avant dans la seconde partie). Le personnage de l'ex-fiancée juge très sévèrement l'attitude de ces jeunes hommes qui, à l'arrière des lignes de front, n'ont rien pu faire contre les « boches », ont lutté avec leurs très faibles moyens (parfois sabotés ?), puis ont fui et/ou se sont cachés. La perte de l’insouciance naturelle et populaire d'avant-guerre, la perte d'ami(e)s mort(e)s ou méconnaissables après l'épreuve, la perte d'une illusion collective nationale et la perte – peut-être plus dramatique encore – des espoirs personnels de chacun, abandonné à soi-même. Point de héros dans cette grande Histoire, mais une thématique redondante et des victimes, encore des victimes... dont le lecteur fait au final partie ? Confus jusque dans son trait figurant des personnages que l'on peine souvent à différencier, l'intrigue ne décolle pas. L'atmosphère est certes réussie mais, trop lourde et pesante, trop lente surtout, elle pèche par une monotonie de ton et d'expressions. Bref, la véracité des faits n'est parfois pas suffisante pour faire une bonne fiction. Le revirement de l'attitude passive de Victor en toute fin est-il signe d'espoir ? Cette premlière partie avait initialement été éditée par la Pastèque en mars 2014. Elle est aujourd'hui recomposée par les éditions Dupuis, de conserve avec la seconde partie baptisée Cicatrices.