L'histoire :
« Le héros », a l’impression de ne pas exister. Dans cette société de consommation qui tourne à 100 à l’heure, dans laquelle les autres trouvent leur bonheur, il a la perpétuelle sensation d’être totalement transparent. Il en vient même parfois à avoir des fantasmes de voyeurisme, s’imaginant qu’il lui est possible de suivre les femmes dans leur intimité. Son pote Cyril lui reproche de ne pas se remettre en question… Il décide donc de faire quelque chose d’extravagant pour se donner la sensation d’exister. Ayant aperçu une femme plantureuse fumer à son balcon, il grimpe à sa gouttière pour l’espionner. Mais il est ivre. Il chute et se brise la jambe. Il se réveille à l’hôpital, auprès de sa mère qui le saoule de questions, faisant preuve d’un intérêt simulé. Puis il a la visite de la plantureuse Bérénice, la jeune femme qu’il voulait justement espionner, et qui a appelé les secours. Cette dernière lui propose ses services une fois qu’il sera sorti de l’hôpital : elle est kinésithérapeute. Mais elle cache également une vie privée douloureuse : son frère handicapé compense son malheur par un comportement instable, caractériel et violent. Il lui demande de ramener un homme pour la regarder en cachette faire l’amour avec lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur le même rythme et le même schéma graphique et narratif que son Corps à corps, paru l’année dernière dans la collection Aire libre, Grégory Mardon réussi pleinement une nouvelle intériorisation. Minimaliste, son dessin suffit amplement à nous faire partager en 56 planches cette (auto ?) psychothérapie. Dans ce premier tome, « notre héros » est tellement transparent qu’il n’a même pas de nom ! A la rigueur, cette histoire ne s’adresse même pas au lecteur, mais à lui-même, anti-héros par excellence. Le malaise que Mardon veut nous faire ressentir est palpable. Outre ce besoin impérieux pour son personnage de ne pas exister, les relations humaines que ce dernier entretient avec autrui sont nécessairement douloureuses. Par-dessus tout, l’image de la femme est comparée à la mante religieuse, étouffante, dévorante. La scène de la suffocation « au sein » d’une poitrine géante, dans laquelle le personnage est amené malgré lui à mordre à pleines dents dans un téton colossal, explique à elle seule le rejet de la mère. Parallèlement à ce mal de vivre, le cri intérieur d’un handicapé moteur, à travers une relation fraternelle malsaine, apporte une conclusion on ne peut plus dramatique à ce premier tome.