L'histoire :
En l’an 1420, la guerre de 100 ans tourne à l’avantage des anglais : en raison de la folie du roi français Charles VI, Henri V d’Angleterre devient maître du pays. Du côté de Domrémy (un patelin de Lorraine), la petit Jeanne, véritable garçon manqué, joue à la guerre avec ses amis et en profite pour braconner des lapins sur les terres du curé. Pour échapper au courroux de l’homme d’Eglise, elle se réfugie chez la guérisseuse, au fond des bois, la seule personne qui lui soit charitable. La vieille, considérée comme une sorcière par les villageois, profite de ces moments pour initier Jeanne en douce aux choses de l’occulte. Elle lui prédit même qu’elle boutera un jour l’anglais hors du royaume de France, auquel elle reste très attachée. En effet, la vieille servit jadis à la cours de Charles VI, avant que le tragique épisode du « bal des ardents » (NDLR : l’immolation accidentel d’amis proches du roi) ne lui ravage la moitié du visage. Jeanne n’y croit guère, mais elle se laisse volontiers initier à divers rites. En grandissant, Jeanne se découvre lesbienne et éprouve une terrible peine le jour où son amie d’enfance Marie épouse un homme. C’est le déclic : elle décide d’accepter ce destin auquel la pousse la vieille guérisseuse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout le monde connaît (plus ou moins) l’histoire de Jeanne d’Arc, qui bouta « l’anglois » hors de France de trop improbable manière pour être rationnelle, et devint par là-même un mythe fondateur de la nation française. En narrer une énième fois les circonstances aurait été bien trivial, pour l’historienne de formation qu’est Valérie Mangin… sans un biais astucieux de derrière les fagots ! Car ici, Valérie Mangin prend le parti-pris que Jeanne était réellement une sorcière qui avait fait allégeance au malin. Après tout, voilà une option comme une autre pour expliquer cet épisode obscur de notre Histoire ! On la découvre donc tour à tour garçon manqué, lesbienne, féministe, meurtrière, arriviste et vaguement usurpatrice… Soit un hardi pied de nez à l’icône vertueuse et pieuse qu’on a glorifié par la suite. La part fantastique s’arrête quant à elle au postulat de l’existence des sorcières et de l’efficience de leurs rites sabbatiques. Ainsi restons-nous cohérents avec le credo divin/démoniaque de l’époque qui, grâce à la sobriété réaliste du dessin de Jeanne Puchol, évite au récit le piège du grand-guignolesque, pour embrasser le postulat original et intéressant de la sorcellerie. A l’issue de cette première partie de diptyque, Jeanne a levé son armée ; si on connaît tous le dénouement de la seconde partie attendue, gageons que Valérie Mangin et ses Jeannes sauront encore nous surprendre par leurs approches…