L'histoire :
En mai 1980, Blaise Van Hoppen emménage avec sa mère, sourde et muette, à Torngy, un petit village de Belgique. Très vite, leur arrivée suscite de nombreux commentaires et quelques mesquineries. En particulier, les nouveaux camarades d’école de Blaise se moquent de sa passion pour les oiseaux et l’affublent du surnom de « Roitelet »... Plus de 20 ans après, Blaise est toujours autant passionné par l’ornithologie, qui constitue pour lui une vraie soupape de liberté… dans sa cellule de prison. Sa peine purgée, il va bientôt retrouver Torgny. Il n’a pas de famille pour l’accueillir, mais il a hérité de la maison de sa mère, morte de chagrin. A son arrivée au village, Blaise se sait observé. Il retrouve la maison de son enfance, totalement laissée à l’abandon tandis que dans son dos quelques uns déjà s’insurgent de savoir « le meurtrier » de retour sur les lieux de son crime. On hésite déjà à le servir à la boulangerie. Blaise, quant à lui, ne semble que partiellement affecté par cet accueil glacial : il retrouve ses oiseaux et c’est de loin ce qui lui semble le plus important. Lorsque la nuit tombe, alors qu’il dort profondément, il est brusquement sorti du lit et roué de coups...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ici regroupés en intégrale, les 2 tomes de L’assassin qui parle aux oiseaux offrent à Jean-Claude Servais l’occasion de livrer une fable naturaliste (et humaniste ?) teintée de suspens policier. Le procédé constitue d’ailleurs un peu la « marque Servais » qui entrelace pratiquement à chaque fois contemplation amoureuse de la nature et méandres tortueux de l’âme humaine. De quoi nous proposer, en tout cas, une « intriguette » certes un brin convenue, mais suffisamment équilibrée pour caresser notre curiosité du début à la fin. La veine policière se cristallise autour de Blaise Van Hoppen, un ex-détenu jugé pour le meurtre d’une villageoise, de retour au pays. Ostracisme puant, innocence flagrante, effluves nauséeuses du passé, silences criminels, nouvelles amitiés et jeu des responsabilités accompagnent sans surprise, mais fort convenablement, la réapparition dans la commune, de ce personnage singulier. Car au final, si le fil de la vérité s’évide peu à peu, Van Hoppen y participe très peu : il n’est pas de retour pour se venger, mais uniquement pour vivre au milieu de sa forêt et surtout des oiseaux. C’est d’ailleurs ici la seconde (la principale ?) thématique de l’ouvrage : l’ornithologie. Passionné par les oiseaux, le personnage principal nous en offre une véritable tartine, détaillée, amoureuse, pour une démonstration évidente du réconfort trouvé auprès de ce règne animal, en parfait contrepoint de l’expérience vécue auprès du genre humain. Le scénario appuie peut-être un peu poussivement sur la pédale, mais le contraste n’est pas dénué d’intérêt. Et si, au final, on peut s’interroger sur l’idée que l’intrigue sert de prétexte à une initiation à l’ornithologie, l’ensemble retombe gentiment sur ses ergots (avec une conclusion certes poétique, mais perchée…). Bref, pas toujours crédible, un peu manichéen, mais joliment ficelé. Et pour ce qui est du ficelage, justement, le dessin se régale de nature, de forêt et saisit le monde ornithologique avec maestria (avec une postface particulièrement intéressante rédigée par des ornithologues). Un atout qui constitue d’ailleurs toujours une accroche élégante dans le travail de Servais.