L'histoire :
Après avoir participé comme compositrice à un documentaire d'investigation sur les massacres perpétrés par le gouvernement sri-lankais sur les populations Tamulas, Carilé rentre à Paris profondément bouleversée. Déjà perturbée par les attentats du 13 novembre qu'elle a vécus de près, les tensions au sein de sa famille proche, et la dégradation de l'écosystème de la campagne autour de la ferme de son enfance, elle se retrouve face à une réalité en ruines. Ce dernier choc, qui ébranle la Vérité qu'elle pensait immuable, la plonge dans une dépression nerveuse dévastatrice. Au fil de son récit, où elle partage les événements qui l'ont conduite à ce point de rupture, Carilé amorce un lent chemin qui va lui permettre de s’apaiser, peut-être de se reconstruire, en tout cas d’arrêter de chialer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Chiâle est une œuvre cathartique, où l'autrice met à nu son propre traumatisme en se dissimulant derrière un avatar nommé Carilé. À travers ce personnage, elle tente de capturer la vision qu'elle a d'elle-même au plus profond de sa confusion, explorant ainsi une période de sa vie marquée par des chocs personnels et familiaux. Pour instaurer une certaine distance, elle transpose en partie son récit familial dans le Japon médiéval et emploie l’anthropomorphisme, un choix qui accentue l’étrangeté de la lecture. Ces artifices rendent l'expérience déroutante, d’autant que la chronologie des événements est parfois confuse. Le style d’écriture est, lui aussi, un paradoxe en soi : à la fois poétique et vulgaire, franc et malpoli, il se livre sans filtres. Ce ton brut donne au récit une saveur chaotique, où l’absurdité côtoie la douleur. Le dessin, lui, suit cette même ligne. Jeté, presque négligé, il ne cherche pas à être beau. Les traits bruts et imparfaits des personnages, difformes et grotesques, contribuent à peindre un monde aussi laid et perturbant que les souvenirs qu’ils illustrent. Cet aspect graphique inconstant, donne à l’ensemble une allure brute et peu accessible, une esthétique déroutante qui épouse parfaitement la nature du récit.