L'histoire :
La maison d’édition Dupuis a fêté ses 100 ans en 2022. Si différents ouvrages ont déjà raconté la production de cet éditeur par le prisme de son personnage phare Spirou, ou du Journal de Spirou, ils ne permettent pas une étude qui couvre l’ensemble de l’histoire de Dupuis, imprimeur-éditeur à Marcinelle en Belgique. Car Dupuis, c’est aussi une maison qui a édité une revue féminine, des romans de gare, des livres illustrés… autant de productions éloignées de la BD. C’est une maison qui n’a cessé de se métamorphoser pour devenir un acteur majeur du 9ème art. Evidemment, le Journal de Spirou et l’école de Marcinelle tiennent une place centrale dans ce livre. Les auteurs mettent également en lumière les hommes et femmes qui ont participé à la construction de cette maison d’édition prestigieuse.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Christelle Pissavy-Yvernault et David Amram ont fait un vrai travail d’historien extrêmement rigoureux pour proposer un ouvrage exhaustif et détaillé de plus de 430 pages, qui permet d’appréhender les éditions Dupuis dans leur globalité. En effet, ce livre dépasse le champ de la BD en évoquant le travail d’imprimeur de Jean Dupuis (premier ouvrage en 1898 – Histoire de Saint Hubert), puis ses incursions dans l’édition de presse (Les bonnes soirées en 1922). L’essentiel de cet ouvrage reste cependant consacré à la bande dessinée avec notamment Le journal de Spirou puis l’évolution vers les albums BD vendus en librairie – et même les séries d’animation qui en découlent. C’est une entreprise, un éditeur qui a dû et su se réinventer à de multiples reprises et sur de nombreux plans (stratégie économique, choix éditoriaux, etc.) que décortiquent les auteurs. Une analyse très fine est également réalisée sur l’esthétique et notamment le style de l’école Marcinelle avec des révélations des plus surprenantes. C’est évidemment très riche en anecdotes, comme par exemple le 1er album BD (Les aventures en Afrique de Fred, Mile et Bob de François Gianolla) qui met en scène des personnages d’Hergé, ou encore Plantu, Cabu ou Pierre Desproges qui ont travaillé pour Dupuis. On apprend encore que, par souci d’économie dans une période difficile, les éditions Dupuis ont rallongé leurs encres avec de l’essence. Les auteurs ne se sont pas censurés et évoquent sans détour : les antagonismes idéologiques qu’ont pu connaître en leur sein les éditions Dupuis (auteurs vs dirigeants), les périodes de crises internes, les échecs éditoriaux (ex : collection Sulitzer), le positionnement patriotique et catholique que voulait insuffler Dupuis auprès de son jeune lectorat, etc. C’est une histoire fascinante qui se dévore presque d’une traite. Le style des auteurs y est très fluide, agréable facilitant le plaisir de lecture de cet ouvrage imposant. D’autre part, on a réellement le sentiment d’apprendre de nombreuses choses : Christelle Pissavy-Yvernault et David Amram apportent de multiples informations qui n’avaient jamais été évoquées dans les livres autour de Dupuis déjà existants. Sur le plan iconographique c’est évidement très dense : on en prend plein les mirettes avec des originaux rares ou inédits, des documents d’époque (ex : le tableau de vente de 1976 réalisé de manière manuscrite par Thierry Martens), des photos, etc. Les auteurs ont eu accès à un fond d’archives qui n’avait jamais été exploité jusqu’à présent. En annexes, ils reprennent en quelques pages une chronologie synthétique ainsi que quelques chiffres des publications Dupuis.