L'histoire :
En 1939, à Dakar, Addi Touré reçoit sa tenue de prêtre. Il n’est pas encore ordonné (mais presque), mais il inspire déjà le respect auprès de ses proches. Malheureusement, son père, un patriote convaincu, noir mais à 200% français, lui demande de s’engager sous les drapeaux pour chasser les boches, comme lui l’a fait 25 ans plus tôt. Addi n’a guère le tempérament guerrier mais il est obéissant. Il fait sa valise, ses adieux et rejoint à la caserne d’autres jeunes sénégalais qui, comme lui, se sont engagés, pour une période de formation. Mais sa formation n’a pas commencé, qu’il refuse déjà l’ordre de porter l’uniforme typique des tirailleurs. Il est français, lettré et cultivé, il ne va tout de même pas arborer cette chéchia ridicule. Son supérieur finit par entrevoir son potentiel et lui autorise le calot. En juin 1940, Addi est en France. Avec son unité, il vient en aide à des prisonniers sénégalais fusillés sommairement par les allemands qui les convoient en pleine campagne. Parmi ces derniers, il sauve Ibrahim, un tirailleur blessé au poignet. Malgré leurs croyances différentes – Ibrahim est musulman – ces deux-là deviennent immédiatement amis, avant d’être rapidement re-capturés par les allemands…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le flashforward de la première planche ne laisse aucun espoir : le héros sénégalais de cette histoire, engagé sous le drapeau de son pays – à cette époque coloniale, la France ! – ne survivra pas à la Seconde Guerre Mondiale. Les tirailleurs sénégalais ont certes majoritairement servi de chair à canon durant la Première Guerre ; le scénariste Kris étend ici le devoir de Mémoire à la seconde. Le personnage d’Addi est prêtre et cultivé, tout l’inverse d’un va-t-en-guerre belliqueux. Après une brève introduction au Sénégal, nous allons le suivre durant son périple en métropole : engagé, puis arrêté, puis prisonnier soumis au STO en Bretagne. Bien que le personnage soit fictif, tout est totalement plausible. Le propos est somme toute allégé par la bonne humeur exercée par des personnages fondamentalement optimistes et humains. Bienveillance, tolérance, et fraternité sont les axes directeurs de la clique de héros. Tout en évitant évidemment de verser dans la franchouillarderie de la Grande Vadrouille, le récit est aussi sous-tendu par de grosses bouffées d’humour… et de tendresse. Car une belle histoire d’amour émerge, dans ce climat d’occupation aigre-doux. Le dessin rond de Jean-Claude Fournier joue aussi beaucoup sur l’ambiance, la bonhomie et l’attachement qu’on porte aux personnages. Le breton joue doublement en terrain connu, et livre une partition traditionnelle, très agréable, tout droit importée de l’âge d’or de la BD. Chic, un deuxième tome est au programme, qui viendra clore tristement cette belle histoire de guerre et d’amour.