L'histoire :
Et si, après plus de 2 000 ans de silence, Dieu décidait à nouveau de communiquer ? Cela tombe bien, un jeune homme est au bord d’une falaise, sur le point de sauter afin d’en finir. Pour une fois, probablement juste car il « s’emmerdait » comme il le dit lui-même, Dieu choisit de lui parler... Paradoxalement, alors que l’homme découvre ainsi la preuve irréfutable que Dieu existe, plus il lui parle et moins il croit en lui ! Il faut dire que Dieu lui avoue ne plus trop se rappeler pourquoi il a créé l’humanité... C’était peut-être un soir de beuverie... Et, surtout, il n’a absolument rien à foutre du sort de l’humanité ! Il a bien essayé de remettre de l’ordre une fois, il y a un peu plus de 2 000 ans, mais ça n’a pas été une grande réussite. Non, ce qu’il voudrait, c’est que les gens fassent ce qu’ils veulent sans s’occuper de lui, surtout les guignols du Vatican qui racontent n’importe quoi à longueur de temps. En entendant ça, l’homme est encore plus atterré qu’au départ, mais il essaye pourtant de comprendre le Tout-Puissant. Et finalement, c’est lui qui se met à faire la morale à Dieu ! La prochaine fois, Dieu se le promet, il laissera son ouaille sauter ! Il lui filera même un coup de pied occulte pour l’aider...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est probablement en cherchant comment exprimer tout ce qu’il trouve absurde dans le fait de croire en Dieu que l’auteur a paradoxalement choisi de mettre en scène ce dernier dans cette BD au format comic strip. Divisé en trois grandes parties (La nostalgie de Dieu, Le complexe de Dieu, Le retour de Dieu), l’ouvrage montre l’évolution de la pensée divine à travers le dialogue du Tout-Puissant avec trois de ses ouailles. Tout commence lorsqu’un homme désabusé décide de se suicider. Dans ce cas-là, d’habitude, Dieu n’intervient pas. Mais là, il devait se faire « sévèrement chier » (oui, Dieu est vulgaire)... Après 2 000 ans de silence, le voilà donc qui se met à tailler le bout de gras avec le suicidaire. Ce dernier, qui ne croyait plus en rien, a alors la preuve ultime de l’existence divine. Pourtant, plus il lui parle et moins il croit en lui ! Il faut dire que le plus désabusé des deux n’est pas celui qu’on croit : Dieu est un je-m’en-foutiste ultime qui ne se rappelle même pas pourquoi il a créé le monde... et se fout complétement de ce qu’il s’y passe ! Dans la seconde partie, Dieu a réalisé, grâce à ce dialogue, qu’il n’allait pas forcément bien, et il décide d’aller consulter un psy pour s’éclaircir les idées. Autant dire que le praticien aura du boulot, tant analyser l’esprit divin relève de la gageure (et puis, les voix du seigneur sont impénétrables non ?). Enfin, après sa séance, Dieu décide de se reprendre en main : il va nommer un nouveau messie ! Pas de bol, cela tombe sur Jean-Claude qui n’a vraiment pas envie de s’y coller et de finir comme le premier, 2 000 ans plus tôt... Chaque chapitre représente un dialogue suivi et complet avec le Très Haut, mais chaque planche possède une chute et peut se lire plus ou moins indépendamment. Les trois parties ne sont pas du même niveau : la première étonne par le concept et se montre très drôle, mais la seconde se fait plus réfléchie et l’humour plus subtil, tandis que la troisième renoue avec des gags plus frontaux, bien que moins efficaces que dans le premier chapitre. A noter que la dernière partie n’était jusqu’alors jamais parue et qu’elle amène enfin la conclusion qu’il manquait avant cela à la série, dont le début était paru en 2009 et 2010 (et depuis devenu introuvable). Malgré ce manque, l’histoire avait pourtant été adaptée en pièce de théâtre à l’époque. Il faut dire que le dialogue satirique de l’homme seul face à son créateur s’y prête plutôt bien. Les planches au format gaufrier ou strip sont bien sûr répétitives et minimalistes (le premier protagoniste reste sans bouger au bord d’une falaise, le second dans son fauteuil de psy, et le troisième dans un rai de lumière !), d’autant plus que le style de l’auteur est de dessiner des bonhommes filiformes en bâtonnets. Pourtant, cela n’ôte nullement le plaisir de lecture et l’immersion est au contraire encore plus efficace : pas ou peu de décors, des expressions réduites à l’essentiel (mais qui font mouche, ce qui est toujours impressionnant avec si peu de traits)... Rien pour nous distraire du véritable cœur de l’œuvre, c’est à dire des dialogues, du propos inhérent et de la réflexion qui en découle. Loin d’être ennuyeuse, la lecture se fait d’une traite, et l’ouvrage se dévore en un temps record malgré ses 300 pages. Pour peu que vous aimiez l’humour grinçant et irrévérencieux, voilà donc une petite pépite à ne pas manquer ! N’oubliez pas : « Dieu est humour ».