L'histoire :
Palais d’Apadana, Florida Keys, hiver 1955. La nuit est tombée sur la riche demeure. Au téléphone, son propriétaire – Mr Ceram – dicte les dernières corrections nécessaires à un article à paraître. Sa femme est au lit, à lire un livre. Nul ne s’est aperçu de l’intrusion d’une belle cambrioleuse, toute de noir vêtue, qui, après avoir neutralisé les systèmes d’alarmes, s’empare d’une petite pièce de collection en or. C’est un griffon, une relique perse d’une valeur exceptionnelle ! Dans sa fuite, elle est reconnue par les gardes chargés de la sécurité. Une fusillade s’ensuit. Mais, experte, la « shadow » – puisque telle est appelée la célèbre voleuse – parvient à s’échapper à bord d’une vedette. La propriété donne en effet sur un panorama océanique rêvé. Afin d’exécuter son larcin, la jeune femme a reçu l’aide du fils du nabab, Darius, qui se retourne contre elle et l’abandonne pour morte, en pleine mer. Heureusement, un privé et amateur de pêche nocturne mouillait dans la baie. Le dénommé Costello réussit à sauver l’infortunée des requins qui s’apprêtaient à n’en faire qu’une bouchée. Cela fera toujours une morte de moins cette nuit-là, puisque, en plus du vol, deux autres jeunes femmes ont été retrouvées froides, flottant nues sur les eaux de luxueux bassins…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre comme la couverture annoncent la couleur : Le Baiser de l’orchidée fleure bon le policier d’après-guerre, l’âge d’or où Hollywood imaginait des histoires d’homicide, où la plastique des héroïnes rivalisait d’élégance et où le sang le disputait à l’argent des stars. Le lecteur s’empare de cette première partie d’un diptyque annoncé, sans crier gare. Rapidement, il se réhabitue au visuel classique d’une bande dessinée qui ne connaît plus aujourd’hui que l’ordinateur. Le trait et la couleur signés David Charrier témoignent ainsi d’une classe indéniable, naturelle et sophistiquée à la fois. Le style séduit. D’autant que les fautes de goûts sont absentes et le plaisir, de tous les instants, grandissant au fur et à mesure que le mystère s’épaissit. Dessin et narration vont en effet de paire. L’intrigue imaginée par Miceal O’Griafa s’empare aussi de son lecteur, petit à petit. Le charme fatal des playmates, l’exotisme de la Perse, le luxe de l’Amérique d’après-guerre, le parfum glacé de morts savamment théâtralisées, le sang attisant l’appétit des squales... Tout concourt à jouer sur les clichés d’une époque idéalisée et rêvée. Comme un petit monde sortit tout droit d’un film dont les protagonistes se connaissent et se livrent à une sulfureuse partie d’échecs. La reconstitution est parfaite. Dialogues et répliques jouent de même sur du velours. Oui, décidément, Apadana ne saurait décevoir. Et l’attention – la tension – est totale quand arrive la 52e planche ! Seule ombre à ce tableau de maître : il nous faudra donc patienter trop longtemps pour connaître le fin mot de l’histoire. Argh ! Quelle cruauté…