L'histoire :
Au cœur des montagnes blanches du Caucase, l’armée du comte Obolensky s’apprête à livrer une bataille décisive contre les rebelles : de son issue dépendra le sort de l’Empire… Une nouvelle fois la folie des hommes marque de son empreinte carnassière l’histoire de la Russie. La victoire est acquise mais à quel prix, combien de vies massacrées pour un futur en pointillé ? Car la paix n’est pas au bout du fusil, la confiance et la concorde ne se gagnent pas les armes à la main. De fait, la défaite à peine apprise, les révoltés s’organisent et préparent déjà la riposte : il leur faut se rassembler pour vaincre. A l’autre bout du pays, dans son palais de Saint-Pétersbourg, le Tsar tient conseil jusque tard dans la nuit. La situation le préoccupe et il souhaite y trouver une juste solution. En vérité, le monarque ne comprend pas pourquoi en dépit de ses réformes généreuses et éclairées, ce peuple continue de se soulever ? Baisse des taxes, hausse des revenus, éradication de la corruption, rien n’y fait, les Caucasiens continuent d’être perçus comme citoyens de second ordre. Le vieux conteur prend alors la parole. Il conte l’histoire d’un derviche, qui, parti de rien et arrivé de nulle part, fut reconnu par eux comme Khan de toutes les tribus. Il réussit pour cela trois épreuves et sous son règne, nul ne se plaint. Le lendemain matin, après une nuit agitée, le Tsar décide de partir pour la province rebelle grimé en derviche et accompagné du seul vieux conteur : de l’avis de tous, ce tsar est vraiment fou...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome avait fait forte impression. Salué unanimement par la critique, plébiscité par les lecteurs, il demeurait néanmoins que l’on cherchait encore à le situer : Lionel Chouin au dessin osait un style plus fouillis et Tarek mariait réflexion politique, Histoire et humour grinçant. On pensait au Legs de l’alchimiste, à Malet, etc… A présent, si l’habit ne fait toujours pas le roi, le Tsar fou ne ressemble plus, il est ! On avait laissé le Tsar à Saint-Pétersbourg, occupé à faire le ménage ; on l’y retrouve avec plaisir en proie à la révolte des marges de son Empire. Filant la métaphore de la légitimité du pouvoir, Tarek, grand conteur devant l’éternel, propose une nouvelle fois un récit déguisé à multiples niveaux de lecture. Divertissement, parodie littéraire (notamment la splendide couverture « Don Quichottienne »), réflexion philosophique et références à l’actualité (démocratie et fanatisme en Irak), il y en a pour tous les goûts et pour votre argent. Chaque planche offre son lot de surprises et d’ingéniosité et, comme rien n’est heureusement jamais acquis, la fin laisse planer un savoureux doute sur le calme prétendument retrouvé pour longtemps : la folie des hommes est un éternel recommencement. Graphiquement, Lionel Chouin affirme un trait plus franc, plus net, toujours aussi alerte et nerveux, soutenu par des couleurs (signées Christophe Bouchard) suivant une même évolution. Le découpage rythme avec malice, audace et simplicité, une lecture des plus agréables. En refermant ce Derviche qui peut en cacher un autre, un adjectif vient désormais à l’esprit lorsque l’on parle du Tsar, de l’avis de tous vraiment fou : jubilatoire !