L'histoire :
Seul en sa cellule, le frère Bernard poursuit son travail. Le cardinal Del Ponte est impatient de lire la suite de son rapport. Le frère a donc mis les bouchées doubles. L’épuisement guette mais qu’importe, il pourra bientôt « se reposer »… Le 16 septembre 1912, la famille du Tsar se trouvait à Spala, une des réserves de la chasse impériale. Le jeune Alexis, héritier du trône, a fait une nouvelle chute. Une hémorragie interne s’est déclarée et les médecins, impuissants, ne donnent pas cher de sa vie. Les meilleurs praticiens du royaume défilent ; tous échouent. Début octobre, on commence à parler de l’après, évoquant l’édification d’un monument à la mémoire de l’enfant. La Tsarine, elle, fait dépêcher en urgence une lettre au staretz Raspoutine. A réception du message, l’homme s’enferme chez lui et se livre à une étrange cérémonie. Est-ce la transe exécutée et les prières faites, mais le jeune Alexis se rétablit miraculeusement. En état de grâce, Raspoutine revient alors de son exil forcé. Arrivé à Saint-Petersbourg, devenu intime de la Tsarine et conseiller de son époux, le « faux prophète » paraît à présent intouchable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Raspoutine va mourir, mais cela on le savait déjà… Plus obscur que ses précédents, le titre de ce troisième et dernier volet ne laisse planer cependant que peu de doutes. La conspiration de Youssoupov – personnage inconnu s’il en est – conclut en beauté une trilogie toute entière articulée autour de la figure totémique du « faux prophète ». Détenteur d’un manuscrit maudit, attirant la mort sur ses possesseurs, Raspoutine a fait couler bien des pages et naître nombre de fantaisies à son sujet. S’appuyant sur les archives nouvellement ouvertes de l’empire soviétique, Tarek (ré-)introduit une part d’Histoire dans la légende. Moins gourou, moins esclave de son sexe, plus humain et un parmi les acteurs en résumé, le personnage replacé dans l’Histoire garde pourtant son caractère extraordinaire. Il était assurément de ces hommes qui font l’Histoire. Effort d’historicisation donc, d’autant plus louable qu’il ne tue pas le mythe – sa force bestiale fit sa légende : le lecteur appréciera. Une nouvelle fois impeccable, claire et dynamique, la narration proposée peut de plus se reposer désormais pleinement sur le dessin de Vincent Pompetti. Au fil des albums, le trait de l’artiste s’est éprouvé et parvient ici à une vraie personnalité. D’essence réaliste, il joue cependant des lignes, des formes et expressions des visages. A la clé, une impression d’étrangeté surréaliste et une réelle puissance graphique. L’image se suffit souvent à elle-même et les cases et planches muettes se succèdent. Preuve de qualité intrinsèque. Les couleurs apposées par Rémi Langlois habillent sobrement l’ensemble. La trilogie Raspoutine se termine donc. Elle aura baladé son lecteur des rivages de la mer noire aux confins sibériens, pour se finir dans le sang (et la révolution annoncée) à Saint-Petersbourg. Merci à Tarek, Vincent et Rémi !