L'histoire :
A Marseille, l’assassinat de deux junkies lors d’une rave party a sonné le début du chaos dans le milieu des stups et de la mafia. En plein milieu d’un trip, Manu est le seul à avoir aperçu le visage du meurtrier. Mais dès le lendemain, il a été violemment enlevé chez lui sous les yeux de son amie Nawel, par deux caïds aux méthodes expéditives. Si aujourd’hui Nawel est morte d’inquiétude, Manu de son côté a pourtant changé de tortionnaire. Contusionné de partout, la gorge à moitié tranchée, il est maintenant entre les mains du fameux assassin, Antoine Ravel, un légionnaire qui fait le ménage parmi la pègre locale. Ravel semble s’en prendre à d’anciens membres de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète qui militait en 1962 pour une Algérie française). La police mène l’enquête. Si le commissaire Campanella marque un certain manque de zèle, c’est qu’il est totalement piloté par les parrains. En revanche, l’inspecteur Cohen resserre son étau autour d’André Porta, l’un des caïds locaux. Les parrains préfèrent alors griller ce fusible pour se protéger et le font buter par les flics de Campanella. Parallèlement, Cohen remonte la piste de Ravel et tente de comprendre la logique de cette vague d’assassinat…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A mi-chemin de la trilogie, Sans pitié se révèle plus que jamais un polar noir de chez noir, à l’image de la première planche de ce second tome. Loin de l’image traditionnelle de la Provence (pétanque et pastis sur fond sonores de grillons), le duo de scénaristes Pascal Génot et Bruno Pradelle fait une transcription très contemporaine et sombrement réaliste de Marseille. Les liens avec l’Algérie et les relents de la guerre sont omniprésents et prennent à présent le pas sur la jeunesse en quête de paradis artificiels. Plusieurs groupes suivent des intérêts entrecroisés et pas encore tout à fait clairs. Les mafieux d’un côté, les flics intègres de l’autre, Ravel le légionnaire entre les deux, et Manu perdu au milieu de tout … Cela est orchestré avec maîtrise, aussi bien d’un point de vue narratif que graphique. Sur un coup de crayon réaliste bien à lui, Olivier Thomas livre un dessin qui prend aux tripes. Des jeux des clairs-obscures, un découpage novateur et des choix de cadrages modernes renforcent magistralement l’ambiance glauque de polar noir et permettent au dessinateur de livrer des encrages bien appuyés. On ne compte plus les séquences somptueuses (l’enterrement p.10 ; les souvenirs de Ravel sur la double p.26-27…). On se croirait parfois dans la puissante et sordide ambiance de Cuervos (une référence en la matière, chez Glénat), où la drogue brasse aussi beaucoup de pognon et de violence mais… à Medelin. Ne manque plus qu’un album de conclusion, qu’on imagine à la hauteur de ce début prometteur, pour tenir là une sacrée trilogie.