L'histoire :
Manu revient de loin. Témoin malgré lui par deux fois du meurtre de trafiquants de drogue, kidnappé et torturé par d’autres malfrats, puis retrouvé et séquestré par le tueur lui-même, il a enfin retrouvé sa liberté. Cet étrange meurtrier, Antoine Ravel, l’a finalement laissé partir sans explication. Il retrouve alors Nawel, sa petite amie qui est aussi traumatisée que lui. Le couple ne semble d’ailleurs pas s’en remettre. Aussi partent-il chacun de leur côté pour un très long voyage. Elle, en Algérie aux côtés de sa famille. Lui, en Bosnie, pour une énième rave-party, de celles qui ont mainte fois ravagé son âme, pour tenter d’échapper à son esprit encore emprisonné par Antoine Ravel. D’ailleurs, personne ne connait les raisons qui poussent cet ancien légionnaire à traquer et éliminer un par un des membres de la pègre marseillaise. Cette histoire semble prendre racine pendant la Guerre d’Algérie. A cette époque, il s’appelait encore Abdel Bériche. Repéré et protégé par un certain lieutenant Jean Fourcroix, il fut intégré et formé par l’Armée Française. L’occasion pour lui de fréquenter Xavier Sarko, ancien capitaine d’infanterie et membre des commandos OAS. Ce dernier est actuellement soupçonné par la police marseillaise de contrôler le milieu mafieux de la région…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aussi « puissant » que les deux premiers albums du triptyque, Table rase franchit un nouveau seuil dans la noirceur et le réalisme. Plus que jamais, Pascal Génot, Bruno Pradelle et Olivier Thomas font pénétrer le lecteur dans le milieu de la drogue et de la corruption marseillaise. Ils en profitent aussi dans ce dernier opus pour le promener dans les heures les plus sombres de la Guerre d’Algérie, toujours aussi douloureuse dans les mémoires. Ce scénario complexe entremêle sans complexe ces deux contextes, ce qui en fait toute l’originalité. Le récit est extrêmement dur à suivre, en raison de personnages nombreux et de situations géopolitiques parfois méconnues du grand public. Néanmoins, Génot et Pradelle réussissent l’exploit de délivrer tout de même une narration haletante, cohérente et très documentée. Thomas ne nous épargne rien, pas même les séances de tortures, les assassinats et les exécutions sommaires. L’auteur enchaîne des cadrages originaux, organisant très souvent sa double page comme bon lui semble. Malgré la navigation parfois rendue difficile, ce dessin noir aux ambiances redoutables est tout simplement magnifique. Une réussite, donc, à porter au crédit de la collection Trilogies d’Heupé (alias Emmanuel Proust Editions).