L'histoire :
La bande dessinée reflète son époque et comme tout média, sa capacité à influencer des groupes d’individus est immense. Surtout chez les jeunes à l’esprit encore malléable. Fredrik Stromberg tente ici d’explorer la notion de propagande, comprise comme une action exercée sur l’opinion pour faire accepter certaines idées ou doctrines. A priori, la propagande n’est ni positive ou négative en soi, elle s’adresse en tout cas aux masses en vue de les influencer et de modifier leurs représentations ou comportements. Balayant quelques préjugés ou stéréotypes, (la guerre est amusante et sans danger, l’avortement conduit à la damnation, la marijuana rend fou, les Juifs sont riches et manipulateurs…) le livre aborde de nombreux thèmes (racisme, politique, religion, dialectique homme/femme, sexe) sous l’angle de leur traitement propagandiste dans la BD. Au menu : mensonges, manipulations et propos tendancieux ! Enjeu de pouvoir, la BD révèle des rapports souvent ambigus, parfois scandaleux ou controversés entre médium, lecteurs et groupes de pression (organisations religieuses, partis politiques, associations écolos…). L’auteur se propose de raconter, d’illustrer et d’expliquer ce voyage dans le temps et l’espace de la planète BD.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Attention, ne croyez plus tout ce qu’on vous raconte dans les BD, on vous ment ! Plus qu’un simple divertissement pour enfants ou ados en mal de sensations fortes, plus qu’un simple média populaire, la BD est aussi ou a été un formidable vecteur d’idéologies, d’opinions et de croyances, susceptible d’influencer les masses. Tintin au Congo, publié en 1931 dans un contexte colonial, en est un bon exemple. Outil de lobbies en tout genre, la BD fut un parfait support de propagande, (compris ici dans son sens le plus large, au-delà de la simple dichotomie bien/mal). Tel est en substance le propos de l’ouvrage. Très informatif sans avoir la prétention de l’exhaustivité, intéressant et ludique, ce livre met en avant une approche différente de la BD. Vous croyiez que Picsou était cet oncle hilarant, près de ses sous et incapable de la moindre générosité ? Détrompez-vous bandes de naïfs : incarnation du self-made man, il est aussi le miroir du capitalisme américain et de son impérialisme larvé. De même, Superman n’est pas qu’un super-héros, c’est aussi un symbole uchronique à l’essence cathartique, reflet là encore d’une volonté hégémonique et pacifiste américaine. Certains chapitres sont clairement plus intéressants que d’autres (ceux sur la guerre froide, la religion et la politique) en raison d’analyses plus fouillées ou plus convaincantes. Au-delà des qualités évidentes de l’ouvrage, il est à noter quelques bémols cependant. La majorité des exemples sont puisés dans un corpus de références anglo-saxonnes, ce qui en apprendra beaucoup au lecteur francophone mais risquera de le frustrer, tant les BD présentées sont parfois méconnues. L’organisation bancale et répétitive de l’ouvrage en différents thèmes un peu « fourre-tout », en fait plutôt un dictionnaire dans lequel on aura plaisir à picorer au hasard des lectures, au gré des intérêts ou des envies. Au final, le livre intéressera le bédéphile curieux d’avoir un regard différent sur son médium préféré, mais au-delà, il s’adressera aussi aux lecteurs attirés par la politique, la religion ou la guerre et leur représentation arbitraire en BD. Vous ne lirez sans doute plus une BD avec le même regard : moins innocent et plus vigilant…