L'histoire :
Un nouveau professeur d’Histoire débarque en classe et commence par poser une question d’apparence simple à ses élèves : Qu’est-ce que c’est l’Histoire ? Quelques réponses sont proposées, toutes vraies : c’est connaître le passé, étudier les faits anciens, chercher à comprendre tout ce qui n’existe plus… mais aussi l’étude critique des traces du passé. Ainsi, l’historien doit certes s’intéresser aux grands évènements, aux dirigeants, à tout ce qui bouleverse la société à un moment T. Mais aussi, l’historien doit se pencher sur le fonctionnement de la société dans son ensemble, comme ont commencé à le théoriser les historiens de l’école des Annales, Marc Bloch et Lucien Febvre, à partir de 1929. Plutôt que d’apprendre l’Histoire des grandes dates et des faits majeurs, le professeur propose ainsi à ses élèves de s’attarder sur le vécu d’individus inconnus, afin de rendre l’Histoire plus vivante, plus concrète. Il débute par un focus sur un certain Caïus Ilius Vindex, qui naquit en l’an 30, dans une famille d’aristocrates de la province d’Aquitaine (le territoire gaulois est en effet alors divisé en trois provinces, elles-mêmes organisées en cités). Vindex hérite de son père une charge de citoyen romain à responsabilités. A 17 ans, il devient ainsi Vigintir, puis tribun à 18 ans, puis questeur à 25 ans, puis préteur à 30 ans… Il redistribue une partie de sa richesse à la cité, pour financer des spectacles, des constructions, des banquets… Cela s’appelle l’évergétisme.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Heu… c’est quoi l’Histoire, en fait ? « Nos ancêtres les gaulois, etc ? » Tututut. Reprenons. Ça n’est pas la première fois qu’un ouvrage de vulgarisation historique nous propose une rétrospective de 2000 ans d’Histoire de France. Mais c’est sans doute la première fois qu’elle le fait par un aussi petit bout de lorgnette, c’est-à-dire en focalisant sur des individus lambda, totalement inconnus du grand-public. Afin de faire un pas de côté par rapport au postulat selon lequel « L’histoire est écrite par les vainqueurs », 12 focus sur des quidams sont ainsi proposés dans cet ouvrage conséquent de 230 pages : un questeur sous la Gaule romaine, un ecclésiastique du moyen-âge central, un bourgeois de Paris au début du XVème siècle, le Polin dans la Drôme sous la Renaissance, Claude Brousson sous l’absolutisme, une mulâtre de Guadeloupe à la fin XVIIIème, un paysan de l’Orne sous le 1er Empire, une alter-ego communarde de Louise-Michel, un poilu mort à la Grande Guerre, une féministe pendant les années folles, une résistante pendant l’occupation et enfin, une harki qui a vécu les « évènements ». Chaque séquence est très précise, riche en contextualisation, en décryptages, avec énormément d’informations dispensées à travers les narratifs. Les quelques dialogues entre personnages servent essentiellement à ajouter des blagounettes, de la légèreté illustrative à un propos tout à fait sérieux et documenté. Le dessin d’Eloi Chevalier est lui aussi un mélange d’humour et de documentation très fluctuant, avec des personnages souvent stylisés, sans grand respect des proportions ou des postures, mais mis en scène dans des décors ou des milieux réalistes et travaillés. Mais la grande plus-value vient du scénario de Yann Bouvier, qui livre un sacré boulot de vulgarisation. Celui-ci pourra paraître fastidieux aux lecteurs feignasses, mais il se révèlera terriblement instructif à ceux qui ont envie de comprendre l’Histoire autrement qu’au travers du roman national qui est prodigué par l’Education Nationale.
