L'histoire :
C’est désormais une certitude : un hiatus comme un petit virus ou un réchauffement global des températures va provoquer un jour ou l’autre l’effondrement de la civilisation. Si on veut survivre au chaos mondial, au déferlement des pandémies, au sang qui abreuvera nos sillons, madame propose à monsieur, dès à présent, de préparer un refuge en dehors des villes en feu, avec juste de l’eau et de quoi cultiver. Et si possible pas trop loin, afin qu’on puisse y aller tous les week-ends, précise monsieur… Toujours dans cette idée d’autonomie alimentaire, madame propose à monsieur de cultiver un petit potager dans leur jardin. Monsieur imagine tout de suite pouvoir y planter des pizzas, des kebabs, des paninis… Assurément, il n’est pas prêt au changement. En sus, son refuge en dehors des villes, qu’il habitera au moment du grand effondrement, il aimerait qu’il ait une bonne connexion Internet, afin de ne pas perdre son abonnement d’un an à Canal+. Ça, ça serait pire qu’une catastrophe, ce serait l’horreur. Et puis d’abord, d’après les statistiques, 50% des gens pensent que la situation est encore plus grave et qu’on ne nous dit pas tout ; 50% pensent que tout est faux, que cette histoire d’effondrement est un complot pour nous assouvir ; et enfin, 50% pensent les deux en même temps. Et si quelqu’un vous dit que 3 fois 50%, ça n’est pas possible, c’est encore une manipulation de masse !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Rions un peu avec la fin du monde », comme l’indique le sous-titre, est une définition parfaite de ce recueil de « gags » par Didier Tronchet. L’auteur amateur de l’humour caustique avait déjà révélé sa sensibilité écologique et sa réflexion sur les outrances de notre civilisation, à travers des albums comme Petit traité de vélosophie (où il révèle son amour inconditionnel pour le vélo) et Robinsons père et fils (où il partage son authentique aventure d’isolement sur une île retirée du Pacifique). Cette fois, après une excellente préface de Pablo Servigne, il s’amuse sans vergogne de l’incapacité humaine à surmonter la crise écologique en cours. Car oui, la tendance globale est : plutôt crever que de renoncer à notre confort immédiat. Or ce n’est pas parce qu’on est fichu, qu’il ne faut pas en rire. L’autodérision et le rire jaune sont donc de mise à travers des saynètes d’une page, où une femme responsable et son compagnon moins mature devisent tout haut sur les solutions de retraite ou de survie au grand effondrement qui ne manquera pas de survenir. Ils passent tantôt par le déni, tantôt par la dérision, tantôt par la panique… Et tant pis si les chutes ne sont pas toujours précisément comiques, elles offrent toujours des pistes de remise en question, elles singent nos réflexes aberrants, l’étroitesse d’esprit qui prédomine, sans pour autant jamais donner de leçon pontifiante. Lucide, l’auteur de Raymond Calbuth et de Jean-Claude Tergal avoue ne pas être le dernier à foncer droit dans le mur, tout en sifflotant. Le prisme de l’humour, mais aussi la tonalité de fond, laissent à penser que le basculement de notre univers familier ne sera pas forcément morbide. Malgré tout, Tronchet est d’un optimisme indécrottable : « On est incapable de décider sans un coup de pied au cul, mais je ne pense pas que la catastrophe à venir sera la fin du monde. Simplement, ce sera quelque chose d’inattendu qui nous obligera à changer notre façon de vivre et d’être sur la Terre ».