L'histoire :
Un homme affublé d’un pardessus à carreaux d’un autre âge et de petites moustaches très années 30, sillonne les rues, un sourire aux lèvres. Il avise une maison remplie de livres et se hasarde à sonner. Alexandrin de Vannevile se présente comme un poète des campagnes et des villes. Il propose de vendre ses compositions. Le propriétaire lui en achète deux, mais le poète prend congé de manière cavalière, lorsque son bienfaiteur lui annonce qu’il est auteur de bandes dessinées. Alexandrin, qui fait rimer tous ses mots, passe un temps infini à la photocopieuse, pour trouver le bon contraste. Le commerçant, aigri, est remercié en retour par une farandole de petites pièces rouges… et le compte n’est pas bon, mais le maquignon, agacé, ne prend pas la peine de recompter. A l’épicerie de quartier où il achète champignons, jambon et bonbons, la jeune vendeuse, enceinte, est gentille avec Alexandrin. Mais lorsqu’il se retrouve près du fleuve, le poète errant est rattrapé par la mélancolie. C’est alors qu’un jeune garçon au sweat-shirt orange fait son apparition…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La rencontre entre deux ovnis, deux rêveurs doux et tendres, promettait d’être magique. Elle l’est. L’univers d’Alexandrin, celle d’un vieil homme en décalage avec le monde d’aujourd’hui, délicieusement suranné, est un mélange de triste solitude et d’enchantement du quotidien. Sa vie est métamorphosée par l’arrivée du petit Kévin, garçon en fugue pour retrouver sa « liberté ». Alexandrin a désormais un autre but que survivre. Ce jongleur de mots va réellement se surpasser, bien aidé par les évènements. C’est une belle histoire, de rencontre forcément, entre deux mondes qui se croisent, entre la vieillesse et l’enfance, entre l’art de la lenteur et la culture de l’immédiat… Il y a une vraie complicité entre le vieil homme et l’enfant, une chaleur qui est portée par la douceur du trait d’Alain Kokor (Au-delà des Mers), son travail magnifique sur les couleurs et son choix juste des attitudes de ses personnages… Sa fantaisie colle parfaitement avec celle de son acolyte, Pascal Rabaté (La déconfiture, Vive la Marée) qui construit un récit drôle, tendre et mélancolique, rythmé par des échanges rimés et des cases sans textes. L’équilibre entre les deux auteurs, entre dessins et textes, dégage une harmonie qui touche le lecteur et porte son esprit dans les nuages, rêveur, jusqu’au moment de refermer le livre, et plus loin encore. La poésie est partout, en toute chose, Rabaté la voit, la décrit, l’écrit. Kokor la montre. C’est un pari réussi, mais on peut être sûr que les auteurs, eux, sont déjà repartis dans les nuées.