L'histoire :
En 1905, le noir Zed et le blond Ned sont deux potes cow-boys, deux tueurs professionnels. D’ordinaires, ils ne se posent pas de questions : ils tuent vite et beaucoup, sans scrupule, et surtout avant d’être tués. Mais depuis quelques temps, depuis qu’ils sont plus ou moins tombés amoureux des sœurs jumelles Hawkline, en fait, tout part à vaux l’eau. Ned n’a plus du tout envie de tuer et il a décidé de s’intéresser à ses origines indiennes. Inversement, Zed compte moins les choses alentours (c’était son tic, à Zed, de tout compter) et utilise ses flingues pour le moindre prétexte. Les voilà séparés. D’un côté, dans un coin de nature enneigé, Ned est initié aux mystères sioux et à la fumette par une vieille squaw. De l’autre, Zed part en compagnie du shérif et de son adjoint, à la recherche des frangines, qui font l’objet d’un avis de recherche et doivent être lynchées pour meurtre. Chemin faisant, un corbeau fait du rase-motte et décroche le chapeau du crâne de Zed. L’adjoint tente de le dégommer, en vain. Ils ignorent que l’oiseau obéit à l’esprit de Ned, alors en pleine transe, à des kilomètres de là. Plus tard, ils arrivent au manoir insolite du père Hawkline, sorte de savant fou épileptique. Après un bon repas, le vieux les invite dans son laboratoire souterrain et leur fait assister à une incroyable expérience…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Suite et fin du délire de Nicolas Dumontheuil, ce troisième volet reprend la tonalité burlesque déjantée des deux premiers épisodes, pour le plus grand bonheur des adeptes. Ce western ésotérique embrasse certes les éléments inhérents au genre : cow-boys, indiens, tueries, shérif, pendaisons… Mais pas seulement. On y croise aussi un poussin télékinésiste, une initiation shamanique, un tueur de mouton psychopathe et une photo de Venise récurrente, où ils ont – hallucinant ! – des bateaux à la place des chevaux ! L’air de ne pas y toucher, de balancer des bribes de séquences saugrenues et des dialogues absurdes au parlé loufoque, Dumontheuil livre un récit d’une incroyable richesse et d’une belle densité ! En toile de fond, l’auteur s’inspire du roman de Brautigan, écrivain alcoolique, appelé le monstre des Hawkline. Mais Dumontheuil se préserve d’en faire une adaptation fidèle, préférant garder les éléments qui lui plaisent et changer tout le reste. Il applique ici au 9e art la même veine décalée que ce que font les frères Coen avec le 7e art, avec pour objectif une réflexion centrale sur l’absurde avancée de notre civilisation. C’est sans cesse drôle et sans cesse surprenant. Evidemment, si vous cherchez à tout comprendre, vous allez être déçus. Le Big Foot semble être ici une allégorie de la mère-nature, une image des sioux, incapable de lutter contre le rouleau-compresseur autodestructeur des blancs. La conclusion dans la dernière case, au terme de 94 planches de bonheur, est à ce titre un résumé jubilatoire et non-moral de ce western ovni…