L'histoire :
A la mort de son nouveau né (de la syphilis !), l’apothicaire hollandais Jeronimus Cornelisz connaît la déchéance. Devenue suspecte aux yeux des clients, son activité périclite et une partie de lui tient son épouse comme responsable de cette tragédie. Aussi décide t-il de changer radicalement de vie. Il s’engage comme assistant du commandeur Pelsaert à bord d’un navire commercial. Le Batavia, splendide trois-mâts escorté de plusieurs autres navires, s’apprête à une longue traversée à destination de l’île de Java, d’où il doit rapporter des épices. En octobre 1628, le navire quitte Amsterdam pour un voyage interminable et particulièrement tendu. En effet, tout d’abord le capitaine Ariaen montre très tôt la limite de ses compétences : le navire manque de sombrer dans une tempête au large d’Amsterdam ! Les conditions de vie à bord, pour la majorité des 341 passagers, sont sordides. La compagnie des Indes hollandaise, inventrice du capitalisme, a en effet lésiné sur tout. Les marins sont traités tels des esclaves, et affrontent diversement toutes sortes de vermines, le scorbut, la gangrène… La révolte gronde d’autant plus fort que la santé du commandeur va déclinant… et le capitaine se laisse aller à la gaudriole en compagnie d’une servante. Jeronimus, jusqu’alors de tempérament falot et discret, montre alors une facette particulièrement sombre de sa personnalité en décidant de tirer profit de la situation. En compagnie du capitaine, il prépare les hommes à une mutinerie. Mais contre toute attente, le commandeur recouvre la santé et reprend les choses en main…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Authentique, l’histoire de Jeronimus est restée célèbre en Hollande et en Australie. En 1629, cet apothicaire jusqu’alors discret et rangé, devait révéler une âme de psychopathe, lors d’un naufrage au large de Java (on en restera là pour maintenir le suspens). Le premier tome de la trilogie prévue installait le personnage, sans laisser présupposer de la suite des évènements. On y découvrait la tragédie familiale, la décision du voyage et l’ambiance tendue et sordide à bord du Batavia. D’emblée ce second tome franchit un pas dans l’état d’esprit de Jeronimus. Jusqu’alors tiraillée entre son éducation religieuse et ses fréquentations libertaires, l’humanité de Jeronimus semble définitivement altérée à partir de la perte de son fils. La conjoncture particulière à bord du Batavia est le révélateur de son tempérament quasi méphistophélique. On le découvre instigateur d’un complot, sournois, calculateur… Documenté et didactique, le scénario de Christophe Dabitch prend son temps pour exposer les dispositions psychologiques qui se nouent à bord. Certains peuvent trouver la narration, s’appuyant souvent sur une voix-off descriptive, fastidieuse. Elle a néanmoins un double mérite. Primo, elle installe précisément les mœurs et le contexte social, animés par moult débats religieux et philosophiques sur la condition humaine. Secundo, elle permet à Jean-Denis Pendanx d’exprimer tout son art en peintures directes, parfois lors de longues séquences muettes. Chaque case est un tableau peaufiné, précis, travaillé… splendide ! A force de contemplation, il arrive souvent au lecteur de sortir du récit. L’artiste brille particulièrement quand il s’agit de représenter la mer tourmentée, le navire chahuté, la folie des hommes… soit précisément tous les sujets abordés par cette histoire. A suivre dans un dernier album qu’on prévoit particulièrement éprouvant…