L'histoire :
A Marseille, en 1887, la Manufacture des tabacs de la rue Bleue, emploie plus d'un millier de femmes, la plupart immigrées. Elles travaillent dans des conditions déplorables. L'hiver est là et les courants d'air rendent leur quotidien impossible : elles tombent malades, elles grelottent de froid, elles se font fouiller par des hommes tous les jours. Lorsque l'une d'elles éternue, atteinte de tuberculose, et que l'une des employées demande au responsable de la renvoyer chez elle, il rétorque qu'un petit coup d'absinthe lui permettra de se remettre sur pied, et cela, même si elle est enceinte et sur le point d'accoucher. L'ensemble des femmes de la manufacture s'arrête pour regarder le responsable, qui d'un air taquin, leur demande ce qu'elles veulent de plus ? Une ouvrière se lance. Elles ont besoin de nouveaux ciseaux, les leurs sont usés et ne coupent plus le tabac ! Il ne dit rien, lance un regard inquisiteur, et s'en va en râlant. Toujours en train de se plaindre ces bonnes femmes... Alors qu'elles sont dans la rue, les ouvrières sont interpellées par une femme qui leur demande si elles n'ont pas un peu de tabac à lui donner. Malheureusement, non. Face à ce refus, elle s'agace, rétorquant que toute la ville sait qu'elles ont des salaires plus importants et de nombreux avantages... Et surtout, qu'elles ne sont plus vierges, ces catins ! Elle est vite rappelée à l'ordre par une femme forte, qui la frappe et lui demande de faire demi-tour. Les immigrées italiennes n'en peuvent plus de travailler dans ces conditions. Alors Sespo, Teresa et Rosa ont une idée. Elles peuvent faire comme les hommes : faire grève pour faire valoir leurs revendications.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mathilde Ramadier (Et il foula la terre avec légèreté, Rêves syncopés) et Elodie Durand (La parenthèse, Transitions) sont au générique de cette bande dessinée abordant l'histoire vraie et récente de l'une des premières grèves de femmes en France. A la fin des années 1880, la Manufacture des tabacs de la rue Bleue emploie de nombreuses ouvrières immigrées, dans des conditions de travail déplorables. Elles atteignent un ras-le-bol de leur quotidien dans la fabrique. Plusieurs d'entre elles lancent alors une idée révolutionnaire : se mettre en grève. Or cela implique de ne plus être payées... et puis elles ne sont pas syndiquées ! Il y a celles qui sont partantes, celles qui ont peur aussi. Mais pour réussir, elles ont besoin de tout le monde ! Vraiment très intéressant, le récit décortique la manière dont ces femmes se révèlent et se rebellent contre un système qu'elles ne trouvent pas juste, avec une démarche pacifique. La première partie expose leur quotidien et met en lumière les nombreuses problématiques qu'elles vont remettre en question dans un second temps. On voit comment les personnalités individuelles se dégagent, comment certaines prennent le leadership, mais aussi la sororité permanente, sur tous les sujets, qui se dégage de ces équipes d'ouvrières qui se soutiennent mutuellement. Côté graphisme, le dessin au crayon noir, texturé, se réhausse de temps à autre de couleur bleue, qui a une vraie importance dans le scénario. Les autrices poussent l'immersion jusque dans les échanges, en utilisant des façons de parler de l'époque. Ce récit très instructif valorise le matrimoine oublié.