L'histoire :
Jean Libonnet, jeune célibataire, employé d’un centre technique municipal, mène une vie simple et bien rodée. Quand il n’est pas au travail en journée, il passe le plus clair de son temps – le matin, le soir, la nuit – sur Internet, où il tchate avec des inconnu(e)s, joue à un jeu FPS contre toujours le même pote-de-web, se tient au courant de l’actualité économique, politique et musicale, ou mate du porno. Ses collègues de travail ne comprennent pas comment il peut ainsi « perdre » son temps, au prix de cernes, le lendemain. Lui rétorque qu’il ne le perd pas : ses rencontres virtuelles sont enrichissantes, intellectuellement ou culturellement ; et ses besoins de délassement sont assouvis. Sur une plateforme de rencontres, il fait notamment la connaissance d’un ou d’une inconnu(e), Timfusa. Il ou elle est américain(e), alors établi(e) dans le Wyoming. Mais il ou elle parle français et sa discussion l’accroche. Jean ne connait pas son sexe et ne cherchera jamais à le deviner. Cependant, les photos qu’il reçoit de Timfusa sont autant d’indices qui lui permettent d’imaginer cette autre vie, ailleurs. En parallèle de cette rencontre virtuelle, Jean fait aussi la connaissance bien réelle de Carine, la fille du bar PMU local. Carine a son âge, elle revient en province d’une première expérience de vie décevante sur Paris. Ses collègues de travail essaient d’encourager ces deux jeunes à se mettre ensemble…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Et vous, où en êtes-vous avec Internet ? C’est cette question que les lecteurs de La vraie vie se poseront instinctivement en parcourant la trajectoire de vie du héros Jean, célibataire, provincial et accro au net. Accro, certes, mais pas « drogué » : Jean assume et maîtrise ce quotidien de vie urbain-connecté, qui produit un léger choc culturel avec celui de ses collègues, dont les usages sociaux se raccrochent plutôt au zinc d’un troquet. A travers cette chronique à la frontière de l’étude sociologique, sans jamais tomber dans la critique ou la caricature, le scénariste Thomas Cadène nous donne clairement à réfléchir sur nos propres pratiques connectés. Car son héros représente une sorte de synthèse des usages : Jean va sur le net pour suivre l’actualité, y écouter de la musique, faire des rencontres dématérialisées, procrastiner, tchater, mater du porno et jouer à un FPS contre un ami qu’il n’a jamais vraiment rencontré et qui porte le poétique pseudo de « vieilletruievolage ». De profondes réflexions pointent à travers les dialogues (« On ne peut pas avoir deux vies. On n’en a qu’une, même si elle a plusieurs facettes » ; « Tu as grandi dans un bar, tu es bien placée pour savoir que l’humanité n’a pas attendu Internet pour commenter de la merde »). A l’aide de son style graphique moderne, Grégory Mardon met en image cette chronique contemporaine, jouant souvent sur un découpage patchwork pour illustrer la multitude d’interfaces que nous amène à suivre en parallèle le net.