L'histoire :
C'est en 2008 que des militants venus de toute la France décident de s'installer sur les terres prévues pour la construction d'un nouvel aéroport près de Nantes, à Notre Dame des Landes. Quelques années plus tard, c'est une micro société qui fonctionne sur cette Zone à Défendre. Gildas et Christine vont apporter de la brioche fraîche aux militants qui sont installés dans leur grange. Ce couple de paysans a rejoint la lutte après avoir épuisé tous les recours pour éviter l'expropriation. Autour du café, ce matin-là, c'est une expédition qui se prépare pour faire face aux gendarmes venus démolir leur maison. Ce sont les plus radicaux qui vont aller à l'affrontement, et qui conseillent à Gildas de rester en retrait. Kat, Scoot et les autres, vont parvenir à faire reculer les forces de l'ordre, et préparent déjà la manif de réoccupation des lieux et des cabanes qui ont été détruites. Il faut parvenir à mobiliser le grand public pour cette occasion. Chaque étape de la lutte va être l'occasion de tenter à la fois d'ancrer l'occupation dans la durée, d'approfondir le fonctionnement de la communauté, et de gagner l'opinion publique. Les nouveaux arrivants comme Cloé se rapprochent des anciens comme Maxime. Des liens se nouent, des tensions apparaissent, pour ceux qui sont venus soit par conviction profonde, soit pour trouver tout simplement un sens à leur vie. Au delà des slogans et de la vision d'un avenir différent, chacun cherche à trouver sa place.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une nouvelle fois, Simon Rochepeau et Thomas Azuelos nous plongent dans un évènement marquant de la société contemporaine, cette fois-ci parmi les occupants de la ZAD de Notre Dame des Landes, alors que le conflit approche de sa conclusion. Comme dans L'homme aux bras de mer et son pirate somalien, les deux auteurs portent un regard à la fois immersif et partiellement détaché sur l'histoire qu'ils racontent, offrant plusieurs lectures possibles. Les occupants de la zone sont déjà très avancés dans leurs projets, et on est témoins de nombreuses altercations et oppositions entre les plus radicaux et une certaine forme de pragmatisme. Les forces de l'ordre sont quasiment absentes du livre, comme pour positionner le projet très au delà d'un affrontement entre manifestants-occupants et représentants de l'état. Pour la très grande majorité des lecteurs, ce sera les premiers pas dans la ZAD, au cœur des discussions sur la vie en communauté, les rapports entre hommes et femmes, la vision de la société au sens large. On participe à des AG tumultueuses, on est témoins du rôle joué par les leaders de l'intérieur, on entend la voix du paysan qui a rejoint les zadistes, à sa manière. Azuélos ouvre l'album avec des images très fortes et quasiment abstraites, qui rappellent la dureté du conflit, avant de revenir à un style plus tourné vers la narration. Il réalise quelques belles pages lorsque son pinceau se laisse glisser pour devenir un pur mouvement, oubliant les contours. Il s'agit d'un vrai travail d'auteurs qui, bien qu'entièrement réalisé de l'intérieur, regarde l'expérience avec un mélange de fascination et de réalisme. La force utopique et presque abstraite du projet d'un côté, et forcément de l'autre, les limites de l'âme humaine et de la vie en société.