L'histoire :
Arturo, Sarah et Fred sont trois élèves adultes et d’âges mûrs, au sein d’un atelier des beaux-arts londonien. A chaque séance, ils se confrontent à un nouvel exercice pointu, sous l’égide de leur professeur : copies de tableaux, modèles nus… Ils discutent aussi beaucoup entre eux, en buvant des coups après les cours dans des troquets. Ils partagent alors leurs découvertes culturelles et leurs expériences personnelles. Par exemple, la très catholique Sarah se confronte souvent à l’argentin athée Arturo, qui a fui la dictature militaire dans les années 70. Mais ces jours-ci, c’est surtout Fred qui concentre les attentions. Il est en effet obnubilé par sa découverte d’un peintre quasiment oublié, appelé Thomas Girtin. Cet aquarelliste anglais et surdoué était pourtant contemporain et ami avec William Turner. Mais sa mort prématurée à 27 ans a plutôt profité à la renommée de Turner. Fred ne tarit pas d’éloge sur son talent et son défrichage d’un style nouveau. Tout en nourrissant ses amis de ses découvertes, Fred poursuit ses recherches, en marge d’une situation professionnelle en plein marasme. Arturo, lui, renfrogne toujours les démons de sa jeunesse argentine et notamment de la femme qu’il a jadis aimée et abandonnée, Ana…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Thomas Girtin, peintre anglais décédé à l’âge de 27 ans en 1802, est un authentique aquarelliste qui a révolutionné son art, à une époque culturelle et politique charnière. Il était ami et contemporain de William Turner qui, lui, est passé à la postérité. Mais avouez-le : sans l’auteur Oscar Zarate, vous n’en auriez sans doute jamais entendu parler. Vous n’avez d’ailleurs peut-être pas forcément entendu parler d’Oscar Zarate non plus… Cet auteur de BD anglais d’origine argentine est pourtant de la génération de José Munoz et son parcours est similaire : il a fui la dictature en 1971, sauf que lui s’est installée à Londres. Pour autant, aujourd’hui âgé de 82 ans, il n’a pas une bibliographie très prolifique dans le panorama du 9ème art. Cet épais album ressemble autant à un hommage à Girtin, qu’à une réflexion sur son propre artisanat et sur l’Art. Pourquoi retient-on certains artistes et pas d’autres ? Quelle valeur peut-on accorder à l’Art ? Est-ce en fonction de la notoriété de l’artiste, de son apport technique, de son talent ? A travers une narration un peu old school et (avouons-le) laborieuse, trois artistes se livrent à une auto-analyse d’eux-mêmes, tantôt solitaires à travers leurs pensées en voix off, tantôt lors de leurs débats de groupe. Parmi eux, l’argentin Arturo a fui la dictature et il vit depuis longtemps avec le poids des regrets. Tiens, tiens… ça ne vous rappelle rien ? On suit ces trois personnages dans leurs bilans existentiels à cœurs ouverts, mais aussi dans leur étude de l’œuvre et de la vie de Girtin. Cette biographie à double sens est certes bien longue et verbeuse. Elle n’en demeure pas moins intéressante, poétique et sensible, tout en ouvrant des mises en abymes à tiroirs. Cette BD est la clé de voûte d’un artiste, qui raconte le parcours d’artistes, qui racontent la vie d’un artiste.