L'histoire :
De nos jours, Frédéric, bientôt sexagénaire, fait une sorte de voyage mémoriel sur les lieux de son enfance. Il est accompagné de sa vieille maman lorsqu’il se gare sur la place de Château-Chervix, une petite commune du Limousin. L’intérieur du Café de la Tour est resté dans son jus. Ils boivent une bière, puis se promènent à pied dans le hameau. Frédéric a soudain une réminiscence en voyant la cour de son ancienne école : grimpé sur la rambarde, il s’était défendu contre des camarades harceleurs avec son compas. Il se souvient de ses 6 ans et de sa première école, en 1971. Il venait d’emménager avec ses parents au lieu-dit Brégéras. Un fourgon bleu dit « nez de cochon » le prenait tous les matins pour le conduire à l’école de Château-Chervix, où il apprenait à lire et écrire. Le premier mot qu’il avait déchiffré était le mot « pomme ». Son meilleur copain de l’époque était le fils des agriculteurs voisins, le petit Michel. Ensemble, ils font les 400 coups dans la campagne environnante. Escapades, pêche à la grenouille, passages de barrières… La grand-mère a prévenu : il ne faut pas s’approcher du puits car une bête monstrueuse est tapie au fond, qui risque de les y emmener. Le reste du temps, Frédéric lit Pif Gadget et les albums de Walt Disney...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès les premières pages, on comprend la démarche, somme toute très classique : dans un puissant élan nostalgique et autobiographique, Frédéric Bihel raconte son enfance, tout d’abord à la campagne, puis à la ville. Au départ, le sujet paraîtra certes convenu, mais la majesté des grandes cases, souvent pleines pages, entièrement dessinées au crayon à papier dans un style plutôt réaliste, mais fortement poétique, nous embarquent littéralement. Ces planches embarquent d’autant plus aisément le lecteur que l’enfance de celui-ci correspond plus ou moins à cette époque. Ces temps bénis où l’on passait son temps libre à jouer dehors, plutôt que devant des écrans. Ces temps magiques où l’on buvait du lait de ferme encore tiède, après avoir passé la journée à jouer avec le fils de l’agriculteur voisin. On lisait Pif Gadget, on avait des petites voitures, des roulettes sur le côté des vélos… Frédéric Bihel se raconte ainsi, à travers une peinture émouvante et diablement incarnée des années 70. On se laisse porter par la douce mélancolie, qui semble remonter à la surface au rythme du « pèlerinage » qu’a authentiquement effectué l’auteur en mars 2022 sur les terres de son enfance… sans trop s’attendre au bouleversant twist final. Car bien au-delà de l’autobio nombriliste, cette œuvre cathartique fait une révélation poignante, que nous tairons évidemment dans cette chronique. La fin est proprement saisissante. Et elle donne plusieurs sens au titre, en sus de la mise en abyme.