L'histoire :
Eudes le Volumeur, expert de son état, est missionné par un conservateur pour faire une estimation des acquis anciens du « Musée du Révolu », somptueuse bâtisse renfermant des milliers d’œuvres d’art et de témoignages de l’Histoire. Il est accompagné dans cette tâche par un commis, Léonard, aussi discret que fidèle. Dès son arrivée, il prend la mesure du plan labyrinthique du lieu. Escaliers, couloirs, salles, corridors seront dorénavant son quotidien. L’inventaire systématique et exhaustif du lieu débute par ses fondations… au sommet. Car l’étude de la signature d’un tailleur de pierre finit de l’en persuader : le gros du boulot quantifiable se situe en-dessous ! Il poursuit ensuite, un peu plus bas, par les galeries techniques où s’enchevêtre une infinité de tuyauteries ; puis encore en-dessous par la traversée en barque d’une crypte inondée, renfermant – selon la passeuse – les arts pompiers du musée. Puis à l’étage inférieur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nous ne déflorons pas grand-chose en révélant d’emblée l’anagramme : les sous-sols du « Révolu » sont bien entendu ceux du Musée du Louvres. « Eudes le Volumeur » est d’ailleurs une autre anagramme de ce haut-lieu artistique. En nous entraînant à la suite de son « volumeur » (ben oui, celui qui estime les volumes !), que cherche à nous dire Marc-Antoine Mathieu ? Que les profondeurs de l’art et de la culture sont insondables ? Que le lieu recèle effectivement d’une multitude inquantifiable d’œuvres, de savoirs, de notions mêmes tournant autour de l’art ? Son personnage s’intéresse plus à la technicité qui transcende les œuvres qu’à l’art lui-même : salle des encadrements, archives, réservoirs, espaces de restaurations, salles de séminaires pour gardiens, machineries, catacombes… Cela donne néanmoins l’occasion à l’auteur de jouer avec la démesure : à chaque étage visité, le volumeur découvre un espace plus vaste que le précédent, révélant année après année, sur l’espace d’une vie, une véritable pyramide enterrée, sur des kilomètres de profondeur. Bien malin celui qui parviendra à déchiffrer l’intégralité des intentions de l’auteur, quand bien même ces disproportions malicieuses donnent assurément à réfléchir. Graphiquement, on croyait que Mathieu avait fait le tour des astuces visuelles dans Le dessin ou la saga de Julius Corentin Acquefaques (à lire absolument !). Il prouve une nouvelle fois son génie graphique, pour notre plus grand plaisir, usant toujours à merveille d’une ligne claire impeccable et d’un noir et blanc caractéristique. Les profondeurs ténébreuses du Musée se prêtent en effet remarquablement aux jeux des ombres et des contrastes. Quelques passages sont d’une puissance inouïe, tels que l’étude pertinente du sourire d’un fameux tableau, ou la logique des encadrements aboutissant au découpage séquentiel d’une BD. Ou encore les mises en abyme successives des tableaux dans le tableau… ou celle de la transmission des dossiers entre experts dans leur impossible mission de « volumer le Révolu » au fil des siècles. Ou encore (et ce sera le dernier exemple), cette séquence intégralement dans le noir, mais pas tout à fait… Génial !