L'histoire :
En avril 1877, un bureau de l’U.S Postal ouvre à Deadwood laissant Martha Jane Cannary et les autres cavaliers du Pony Express au chômage. Pour autant, Calamity Jane ne se laisse pas abattre et on la retrouve chevauchant les plaines pour cette vie semi-vagabonde qu’elle affectionne particulièrement. Ces derniers temps, les villes ou les pâturages qu’elle traverse raisonnent du son d’une même chanson : Martha Jane raconte à qui veut l’entendre qu’elle est intervenue, il y a peu, dans les Black Hills, pour mettre à mal une bande de Peaux-Rouges qui s’en était pris à une diligence conduite par John Slaughter. Il faut dire que l’histoire a défrayé la chronique, le pauvre conducteur y ayant laissé sa peau. Mais les faits sont d’un tout autre calibre et mettent en cause 3 hors-la-loi. Pourtant Cannary martèle son histoire à qui mieux-mieux. Au point d’ailleurs de s’attirer les foudres du shérif Bullock en charge de l’enquête. Le bonhomme la met même sous les verrous. Un des 3 bandits est en effet encore en fuite et l’on dit qu’il a bénéficié de la complicité d’une femme. Pourquoi pas celle qui se vante de connaitre l’histoire de cette attaque sur le bout des doigts ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce 3ème tome, Christian Perrissin et Mathieu Blanchin bouclent magistralement cette passionnante biographie au rythme d’une narration poignante et joliment servie par un graphisme à fleur de peau. Car c’est bien là que se trouve la force de l’ouvrage : pousser le curseur empathique, sans apitoyer, au tempo d’un destin hors du commun qui calque sa route sur un pan emblématique de l’Histoire des USA (la conquête de l’ouest). Une fois encore, Perrissin fait un travail doublement remarquable, en liant à ses talents de conteur ceux de l'historien. Toujours principalement guidé par les Lettres de Martha Jane à sa fille Janey (ainsi que deux biographies américaines récentes citées en postface), l’historien déroule habilement le fil de sa destinée, riche en détails : fin de l’aventure du Pony Express ; popularité et construction de sa légende via plusieurs articles de presse ; acquisition d’une blanchisserie ; parties de poker ; « cirque »; rencontre de Janey à Richmond ; alcoolisme galopant ; déchéance… Pour le reste, le conteur prend soin d’emplir avec maestria les « vides », façonnant une lecture gorgée de sensibilité. Aussi le récit, énergique, drôle, tendre et violemment cruel à la fois, nous lie t-il irrésistiblement à ce bout de femme éprise de liberté, autodestructrice en diable et menteuse comme pas deux. L’absence de sa Janey, le besoin perpétuel de changer d’air pour se sentir vivre réellement, ou la culpabilité de ses choix, tissent ainsi une toile que le scénario utilise pour superposer à la légende, l’histoire d’une femme inlassablement en quête d’un bout d’amour, voire d’une rognure d’affection. Calimity essaie d’être heureuse, obstinément, sans jamais y parvenir un seul instant. Le résultat est là : époustouflant d’émotion. Un sentiment atteint aussi en partie grâce au travail de Mathieu Blanchin. De prime abord rugueux et brouillon son dessin aux judicieux lavis se révèle particulièrement efficace pour ce qui est de relayer toute la gamme émotionnelle ciselée par le scénario. Il a aussi la force et l’humilité de laisser au texte sa place tout en en accompagnant le tempo. Un ouvrage rigoureusement indispensable !