L'histoire :
La jolie touriste qui fait sont footing est matinale, les pêcheurs ou plus exactement les ligneurs aussi… Ce matin là, Gaël, l’un des meilleurs d’Audierne, prend la mer en direction du Phare de la Vieille, le terrain idéal pour chasser le bar, un énorme poisson que les marins surnomment le Roi. Seuls le claquement de la légère houle et le souffle régulier du vent rythment la préparation des gueulins de maquereaux qui serviront à ferrer le poisson. Ce rituel quasi religieux est bientôt interrompu par les vociférations de Joël qui, ayant rejoint son frère, lui reproche de l’avoir devancé : ce sachant moins talentueux que Gaël, il lui avait fait promettre la veille de lui laisser l’emplacement. Mais Gaël est clair : premier arrivé, premier servi ! Il commence donc sa pêche, guidé par un précieux allié qui lui indique par un majestueux piqué l’endroit où il trouvera les plus beaux poissons. Cet indispensable associé qui permet au navigateur de faire une grosse pêche à chaque sortie est un oiseau blanc, plus qu’un simple volatile, il est pour le ligneur son frère : le fou de Bassan. A son arrivée au port, ce jour là, on lui apprend qu’il doit rapidement se rendre chez sa mère. Et pendant que son frère Joël succombe aux charmes d’une jolie vacancière, Gaël entend sa mère lui dire que sa fin est proche et qu’elle souhaite faire de lui seul son héritier…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En signant un récit fouetté par les embruns bretons, Séra surprend ceux qui, habitués à parcourir ses travaux, imaginaient l’accompagner à nouveau sur les chemins du Cambodge, son pays d’origine. Né de l’envie de nous faire partager sa récente réconciliation avec cette région (où il s’était refusé à remettre les pieds depuis un chagrin d’amour vieux de 30 ans), Séra réussi à retranscrire à merveille le pouvoir qu’exerce l’océan. Ainsi, de cette Bretagne éclairée d’une luminosité particulière, tantôt battue par les éléments ou apaisée par la course d’une sirène, les peintures de Séra tirent le meilleur parti. L’artiste fait ici de la place à son art, en aérant ses planches pour mieux laisser ciel et vagues nous dicter leur loi. Cette prédominance du graphisme est d’ailleurs renforcée par l’économie de textes qui fait du récit un prétexte pour un exercice pictural de haute volée. De l’histoire (même si elle semble superficielle), nous retiendrons l’absence du père et les non-dits familiaux qui, de désamour en jalousie, réunissent tous les ingrédients du drame. L’arrivée de la pétillante Flore dans ce jeu de quille fait crever l’abcès. On s’attardera alors moins longtemps sur cette approche simple, carrée, courte de la problématique familiale, que sur chacun de ces tableaux qui donnent envie d’embarquer pour se faire gifler le visage par l’eau salée.