L'histoire :
En 1906, Armand Fallières succède à Emile Loubet à la Présidence de la République Française. L’Eglise vient de se séparer avec l’Etat, les tensions diplomatiques avec l’Allemagne sont toujours ténues et l’industrie est florissante, transformant très rapidement le paysage et le tissu social de certaines régions, dont le Nord. Notamment, l’exploitation du charbon décuple la population de grandes villes comme Lens ou Liévin. Autour des 120 puits de mine, extrayant à la terre quelque 20 millions de tonnes annuelles de houille, des corons se créent et une main d’œuvre abondante est embauchée, dès 12 ans. Quelques lois sociales sont certes votées, afin de garantir la santé, l’hygiène et les plages maximales de labeur, mais la réalité est loin de les respecter. C’est dans ce contexte que va se jouer à Courrières, le 10 mars 1906, une des pires catastrophes minières de tous les temps. Cela commence le 6 mars par la découverte d’un brasier en fond de mine, un feu dont on ne connait pas l’origine, mais qui s’avère particulièrement difficile à éteindre. Des hommes sont donc envoyés pour construire un mur afin de l’étouffer. Mais 3 jours plus tard, les ingénieurs constatent qu’en bas, la température a encore monté. Il est nécessaire de monter un second mur pour essayer d’étanchéifier la galerie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La tragédie de Courrières est l’une des pires que connut le monde mineur durant les grandes années industrielles du Nord de la France : 1099 morts, dont 242 enfants ! L’ampleur du désastre découla logiquement sur des mouvements syndicaux et des acquis sociaux. C’est cette histoire que nous raconte Jean-Luc Loyer, qui souligne souvent fièrement ses origines ouvrières nordiques à travers ses ouvrages. A l’instar des planches d’introduction, qui resituent précisément le contexte, ou encore du cahier annexe documentaire, son épais ouvrage (plus de 120 planches) est essentiellement didactique. On peut tout de même suivre quelques protagonistes romancés, mais en l’occurrence, mieux valait ne pas trop s’attacher, au risque de tirer vers un récit par trop émotionnel. Avec savoir-faire et un humanisme distant de bon ton, Loyer fait un tour particulièrement exhaustif et équilibré de son sujet, sans jamais lasser. Il décrit le quotidien des mineurs, de leurs familles, le recrutement, la descente dans les cages, le travail au fond, l’emploi des chevaux, les considérations économiques pour les patrons… et bien entendu, l’accident, spectaculaire, dès le premier tiers de l’ouvrage. Son dessin semi-réaliste perfectionniste en noir et blanc, juste complété de niveaux de gris, délivre parfois de très belles et larges vues du tissu industriel, qui resteront longtemps en mémoire (l’usine p.10, les corons p.20, les vestiaires p.22, l’explosion p.46, la grève p.88). Les deux autres tiers relatent dans le détail les séquelles : conséquences politiques, mouvements sociaux à plusieurs vitesses, remontés et périples surréalistes de survivants… En milieu d’album, une pause de 6 pages propose aussi la liste des victimes, façon annuaire. Pour la première fois chez Futuropolis, l’auteur livre donc un sacré bouquin, qui fait œuvre de Mémoire. Pour ceux qui aimeraient en savoir plus sur cet évènement, l’auteur relaie nombre de sources documentaires et films sur son blog (en lien sur sa fiche auteur).