L'histoire :
Un homme parle tout seul, au volant de son camion. De toute façon, il n’avait pas le choix. Il cherche à s’arrêter. De toute façon, il n’y a aucune Stacy. Elle n’existe pas. Aucune Stacy n’a été enlevée droguée et chargée dans une camionnette blanche et emportée dans un sous-sol d’un vieux bâtiment abandonné, du côté du camp de Polezia. Aucun amour fulgurant n’est né. Le conducteur prend un sac noir. C’est stupéfiant le poids d’un corps inanimé.
Lalla, Mauro, Lucas et Alfio sont accoudés à un bar et discutent. Ils sont rejoints par Gianni. L’interview qu’il vient de donner suite à la sortie de son dernier livre vient de sortir. La journaliste lui a posé une ou deux questions personnelles. Il espère qu'il n'a pas dit trop de conneries...
Gianni a le sourire jusqu’aux oreilles. Il boit un verre et échange, il ne peut pas rester très longtemps. Il doit se sauver. Il n’aimerait pas faire attendre la productrice. il leur propose de se voir le lendemain au siège. Pendant ce temps. Lalla, regarde l’interview qui vient d'être postée sur les réseaux sociaux. Elle relève lentement la tête. Alfio l'interpelle en lui demandant comment est la vidéo. Il y a comme quelque chose qui ne tourne pas rond. Lalla affiche une mine catastrophée...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La sortie de tout nouveau Gipi est un évènement à part entière, tant l'auteur italien a l'art et la manière (ou la matière) à explorer des thématiques avec brio. Une fois n'est pas coutume, il revient sur un sujet qui fait l'actualité. Ici, il pose son intrigue d'emblée autour d'un scénariste qui a le vent en poupe et dont le tort est de partager avec un journaliste un rêve. Il aurait mieux fait de s'abstenir, car son interview agit comme une traînée de poudre. La justice populaire prend le relais. Le mal est fait, avec les réseaux sociaux qui font le reste. Dans son entourage, on lui tourne le dos. Ce récit s'inspire de faits réels : Gipi a tourné en dérision le slogan féministe selon lequel il faut toujours croire la parole des femmes. Avec ce trip posté sur les réseaux sociaux, Gipi s'est fait littéralement allumer en se faisant traiter de « vieux réac de merde ». « J’ai cru devenir fou. Je n’avais pas réalisé l’importance d’une réputation, confie Gipi. Pour moi, les femmes sont des êtres humains comme les autres, mais je n’aurais pas dû publier ce gag. Car les réseaux sociaux sont programmés pour générer des conflits. Ils se nourrissent de notre désir de plaire et cette mécanique du plébiscite qui alimente les Gafam fait ressortir le pire de nous-mêmes. Pour un artiste, penser sans arrêt au jugement du public empêche toute démarche sincère. » Stacy montre la puissance de ces réseaux sociaux qui peuvent aisément devenir asociaux. L'ensemble est confus parfois, avec des textes à rallonge pas toujours très lisibles. Tout cela aurait mérité d'être plus concentré. C'est un brin autocentré aussi, mais là n'est pas le plus important. On ressent tout le mal-être de l'auteur face à l'incompréhension de quelques un(e)s mal luné(e)s. Gipi est maître dans l'art de nous faire réagir et fait mouche une nouvelle fois. On assiste peut-être dans nos sociétés à la disparition, non pas du « on ne peut plus rien dire », mais à celle du troisième et du second degré. Et c'est cela le plus grave.