L'histoire :
Tcheliabinsk, mai 1918. Jaroslav Chveïk et des légionnaires tchèques sont faits prisonniers par des Russes après la mort d’un soldat hongrois en territoire soviétique. Heureusement pour eux, leurs compagnons d’armes menés par le lieutenant Syrovy viennent les libérer après avoir donné l’assaut. Pepa, « peintre en wagons », et Jaroslav, le jouisseur « gigolo », sont désormais libres, ou presque. Leur mission : profiter du chaos provoqué par la Révolution russe pour fuir le pays vers l’Ouest, rejoindre les troupes alliées et avoir les mains libres pour fonder leur Etat-nation, la République tchécoslovaque. Pour y parvenir, ils vont tenter de s’emparer des villes ponctuant le trajet du Transsibérien, histoire ensuite de rejoindre Vladivostok par le train et embarquer pour l’Europe via les Etats-Unis. Seulement voilà, la Légion tchèque est prise en étau au cœur de la guerre civile russe qui oppose Rouges (Bolcheviks, partisans de la Révolution) et Blancs (favorables au Tsar et à l’Empire). En prime, Trotski, avec l’aide de l’Armée Rouge, a décidé d’arrêter et d’éliminer ces soldats considérés comme des traitres. Le chemin vers la liberté sera encore long…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier opus de Svoboda avait nourri de belles promesses, toutes confirmées par le second volet. Partant d’un fait historique bien réel mais peu connu – la fuite des camps tsaristes de 70 000 soldats austro-hongrois de nationalités tchèque et slovaque qui tentent de fonder leur Etat – le scénariste Kris brode une histoire romancée autour de la guerre civile entre Rouges et Blancs, qui débouche sur l’assassinat de la famille tsariste, à partir d’un carnet de guerre imaginaire de légionnaire. L’occasion pour lui de sonder l’état d’esprit d’une nation en marche, en quête d’identité, toujours prise entre deux feux, orpheline de mère-patrie et prisonnière de grands Empires. Gonflée d’esprit de révolte, mue par un souffle romanesque et habitée d’une impétueuse soif de liberté, la narration file à la vitesse du Transsibérien, c’est-à-dire pas très vite, mais avec le sens du devoir à accomplir. Sobre, documenté, solide et rigoureux, le scénario se révèle moins touffu et plus fluide que dans le tome introductif, tandis que la plume ciselée de Kris s’insinue avec finesse dans les silences de l’Histoire pour façonner les destins tortueux de révolutionnaires tchèques. Avec un joli sens de la formule qui n’ennuie jamais et sans lyrisme larmoyant, malgré les histoires d’amitié, d’amour ou de guerre. Un conseil tout de même : mieux vaut réviser sa connaissance de la Révolution russe et de ses acteurs pour bien saisir tous les éléments du contexte. Si Kris lance la série, Jean-Denis Pendanx appuie là où il sait faire, par un trait semi-réaliste clair et séduisant. Toutefois, c’est bien Isabelle Merlet qui emballe le tout grâce à une plaisante et accrocheuse mise en couleur qui joue habilement des contrastes et des ambiances : crépusculaire, pluvieuse, désuète, nostalgique ou nocturne, belles métaphores imagées d’une révolution en marche. Soulignons-le, ces couleurs sont pour beaucoup dans la réussite de cet album. Bref, cette odyssée du rail au souffle épique et romanesque, croisant petite et grande Histoire, est désormais bel et bien lancée. Mais si les Bolcheviks ont eu leur « Grand Soir », celui de Pepa et Jaroslav est encore loin…