L'histoire :
En mars 1939, à la gare de Cerbère, petite ville frontière entre la France et l’Espagne, les agents de la SNCF s’épouvantent de la puanteur qu’émettent les wagons d’oranges qui ont pourri à l’intérieur. En cette époque de montée des tensions internationales et alors que la guerre civile fait rage en Espagne, le commerce est grandement perturbé. La Catalogne est tombée face aux troupes franquistes. L’orangère Montse est au chômage, mais elle n’a pas perdu sa gouaille. Elle se fiche bien de la poire du chef de gare qui tente de la remettre au boulot pour évacuer les oranges pourries. Montse préfèrera résister à sa manière, comme le fit jadis sa mère. Elle rejoint un réseau de résistants pour les aider dans le trafic d’armes. Parmi les combattants survivants, Altaio rejoint quant à lui Cerbère à pieds, avec un convoi de rescapés mal en point. Il s’installe avec bien d’autres ères au sein d’un hôtel désaffecté. Ce jeune peintre désillusionné essaie d’y poursuivre son art, mais il s’adonne volontiers à la bouteille. Il sympathise vaguement avec un nouveau venu… mais il préfère grandement rejoindre Montse dans leur repère secret, une sorte de fleur de lotus géante, pour lui demander de poser pour lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Des BD sur la guerre d’Espagne et la Retirada (le retrait républicain après la chute de Barcelone en 1939), ça n’est pas ce qui manque. Mais celle-ci signée Thomas Azuelos fait sans doute partie des plus hermétiques. L’auteur marseillais s’était précédemment plutôt intéressé aux ukrainiens et aux arméniens. Il met ici en scène une jeune femme espagnole résistante, un peintre alcoolique, un communiste qui sait cuisiner et un vieux juif philosophe en fin de vie. Ils s’entrecroisent, échangent, survivent comme ils le peuvent dans un village no-man’s-land et endurent cette période dans l’angoisse, les impressions et les non-dits. Boisson, peinture, pêche à la ligne, séduction, politique, philosophie, oranges pourries, trafic d’armes, hôtel délabré, le tout sur fonds de résistance au franquisme. Azuelos fait reposer sa narration largement contemplative sur les atmosphères de fin du monde, à l’aide d’un dessin souvent épuré, rehaussé d’une colorisation sobre au lavis, de deux trois teintes maxi, ocres ou glauques.