L'histoire :
En 1959, deux péquenots du Kansas massacrent une famille de riches cultivateurs, les Clutter, pour leur fric. Ils sont arrêtés, reconnus coupables et condamnés à la peine de mort au terme de leur procès en 1960… peine qui n’interviendra que 6 ans plus tard. Entre temps, l’écrivain newyorkais Truman Capote s’intéresse de près, de très près, de trop près à l’affaire. Il part s’installer à Holcomb, le patelin où s’est déroulé le quadruple crime et interviewe pendant des années l’un des deux criminels, Perry Smith, avec lequel il finit par nouer une réelle proximité. Il a pour objectif d’écrire un roman non-fictionnel qui colle au plus près aux faits et à décrire la psychologie de ses auteurs. Pourquoi, comment en vient-on à commettre un tel meurtre ? Lorsque les criminels sont exécutés, le roman peut enfin être publié. Et une grande fête masquée – baroque ! – est organisée avec tout le gratin culturel newyorkais. De sang froid connaitra un immense succès, autant reconnu par la critique que par les ventes. En 1967, un film est même tourné par Richard Brooks au sein même de la ferme authentique du massacre. A cette occasion, Truman Capote revient à Garden City et retrouve tous les témoins et les lieux qui l’ont inspiré pendant des années. Mais cette affaire l’a marqué à tout jamais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De sang froid est reconnu comme l’un des meilleurs polars de tous les temps et pour cause : son écrivain Truman Capote a passé des années à tenter de comprendre la psychologie de l’un des auteurs du quadruple crime qu’il relate. Au lendemain du fait divers, en novembre 1959, le romancier dandy homosexuel de haute culture a en effet quitté New York pour s’immerger dans la mentalité du Kansas. Il a noué une relation intime avec Perry Smith… qui devra être exécuté pour que le roman puisse paraître. En somme, le grand œuvre de Capote ne pouvait être couronné de succès sans l’exécution capitale de Smith, exécution que ladite œuvre contribue néanmoins à dénoncer. Paradoxe. Truman Capote est devenu l’œuvre, il restera chamboulé par son retentissement, deviendra alcoolique et n’écrira plus rien de majeur ensuite. Il faut vraiment s’intéresser à l’affaire et à la personnalité de Capote en amont de cette BD, afin de la comprendre. On se demande d’ailleurs pour quel public très restreint Xavier Bétaucourt l’a écrite ! Il faut être à la fois un peu vieux, érudit et néanmoins lire de la BD. Paradoxe ! Le scénariste entremêle les séquences sans transition, mélangeant les époques, alternant les extraits du film réalisé par Brooks en 1967 et l’immersion réelle de Capote à l’époque de ses recueils de témoignages. C’est à la fois pointu, dialogué avec soin, mais insaisissable au niveau du propos. Au dessin, Nadar cerne et retranscrit vraiment bien le chara-design des personnalités et fait une peinture documentée des années 60 américaines, aussi bien dans le cadre rural du Kansas que de la jetset newyorkaise, avec des traitements graphiques pertinents pour distinguer les contextes (crime en live, Capote en 59, Capote en 67, séquences du film…). Il en ressort une sorte de biographie de Truman Capote centrée sur la pierre angulaire de son œuvre, aussi réussie dans son résultat que controversée pour sa méthode. Un firmament en impasse, qui rappelle qu’Icare aussi s’est brûlé les ailes.