L'histoire :
Alors qu'un groupe de colons qui s'apprête à quitter le Mali emporte un camion chargé d’œuvres d'art, un jeune garçon de dix ans réussit à reprendre une Maternité rouge, une petite statuette qui représente une mère et son enfant qui vient de naître. Plus de cinquante ans plus tard, alors que des islamistes ont fait exploser un baobab pour punir un cueilleur de miel, ce dernier y trouve le trésor qui était resté caché dans le secret de son tronc. Pendant ce temps, à Paris, le musée du Louvre met en avant les travaux remarquables de sculpteurs du continent africain, dont ceux des maîtres du plateau Dogon. Une maternité rouge y trône déjà, plus grande que sa probable petite sœur sauvée par miracle de la destruction. Non loin de là, sur un quai de la Seine, des étrangers en attente du statut de leur demande d'asile, vivent sous des tentes. Parmi eux, des maliens qui ont traversé l'Algérie, puis la Libye, pris la mer dans des embarcations affrétées par des passeurs, remonté l'Italie vers la frontière française. Lorsqu'il va à la rencontre de l'instituteur de son village avec sa statuette à la main, Alou ne s'attend pas à ce que le vieil homme va lui demander. Il faut qu'il aille en France apporter son trésor au musée du Louvre. L'instituteur y a suivi des études d'art, il y a bien longtemps, avant d'être expulsé vers son pays d'origine. Il sait que là-bas, la Maternité Rouge sera protégée...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès la page 7, avec la silhouette du garçon qui saute du camion, tombe, roule et se redresse pour s'enfuir dans la nuit noire, on réalise à quel point Christian Lax est un illustrateur hors pair. A travers tout cet album, il nous offre des paysages et des scènes silencieuses de toute beauté, dont la violence parfois brute décrit simplement la réalité du quotidien d'Alou. En racontant le périple des migrants qui quittent l'Afrique sous l'angle d'un héritage culturel précieux, il renverse complètement le regard que l'on peut avoir sur ces silhouettes anonymes dont on parle beaucoup, souvent sans connaître leur parcours. En associant le pillage de l'art africain de l'époque coloniale et la protection de ces œuvres par les musées parisiens, il met en scène sans polémique la complexité de notre époque. Le tout dans un long parcours surprenant, où l'auteur se montre assez peu didactique, sauf quand il prend la peine d'expliquer la destruction du patrimoine artistique par les hommes en arme de l'extrémisme islamiste. Les bons sentiments sont parfois présents dans la tentative de faire passer le point de vue de ces hommes et femmes qui cherchent une vie meilleure loin de chez eux. Mais l'auteur les met en avant de manière originale et renversante, et cette lecture contribue à élargir notre point de vue, peut-être malgré nous et pour notre plus grand bien. L'élégance artistique de son travail prend le dessus, transformant l'histoire de cette statuette et de son protecteur malien en message d'humanité. Un très bel album.