L'histoire :
Elle trouve son prénom un peu ridicule : « Bienvenue ». Elle ne se sent pas à l’aise face à son prof de dessin qui lui parle justement d’identité. Une remarque qu’il lui fait, parce qu’il s’aperçoit que plutôt que le beau mec tout nu qui sert de modèle, c’est elle-même que la jeune femme a dessiné (et en plus avec des gros seins… qu’elle n’a pas). Bienvenue est étudiante aux Beaux Arts. Pas très à l’aise avec ses condisciples. Elle fait bande à part et plutôt que compter fleurette à un lourdingue bigleux, elle n’a pour l’heure qu’une préoccupation : trouver un petit boulot et l’argent qui va avec pour remplir le frigo. Elle vit bien en collocation avec sa cousine Lola, mais pas question de compter sur elle. La jolie brunette a en effet pour priorité sa vie sentimentalo-sexuelle avec le beau Charlie. Du travail, il y en aura peut-être (et donc l’arrêt du « sardines-pain » quotidien), si elle réussit l’examen de passage qui l’attend : elle a rendez-vous au domicile d’une famille pour voir si elle est capable de jouer les nounous. Tout se passe impeccable : pas de maman (plutôt bizarre !), un papa souvent absent, deux petits effrontés… Mais elle s’en fiche, elle a du boulot. Pour autant, elle ne doit pas s’attendre à avoir une vie calme et rangée. Entre les prises de têtes avec Lola, sa mère, ou sa copine Olga (raide amoureuse de son propre cousin germain), les sauvetages au suicide dans le métro, les petites préparations culinaires de son voisin indien dés le petit déjeuner, le joujou intime de sa copine Rachel et ce beau bourge rencontré dans un ascenseur… elle ne va pas s’ennuyer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On avait pris l’habitude de se goinfrer de l’univers coloré ivoirien, drôle, caquetant et à l’incroyable parfum d’humanité. Aya de Yopougon est une petite addiction gentiment « dealée » par Marguerite Abouet, en cinq volumes. Pour cette nouvelle série, la scénariste plante le décor de l’autre coté de la méditerranée, principalement dans quelques immeubles parisiens où s’ébat un petit bout de femme d’une vingtaine d’année, directement attachant : la fameuse Bienvenue (elle ne vous le fait pas dire : mais quelle drôle d’idée ont eu ses parents !). L’histoire offerte joue le partage du quotidien de cette étudiante des Beaux Arts. Entre baby-sitting, joie de la colloc’ ou du voisinage (et épaisseur des cloisons), pénible môman, galères pour remplir le frigo… on ne perd pas une miette de cette vie d’adulte-débutante super bien remplie. Au-delà c’est surtout le jeu des relations entre les protagonistes qui scelle notre engouement. La délicieuse manière qu’a Bienvenue de s’occuper des autres, parfois avec maladresse et en s’oubliant un peu. Ne nous y trompons pas : c’est bien l’amour sous toutes ses formes qui filigrane avec justesse et sensibilité l’ensemble du récit. Sur le fond, tout cela ressemble fort à l’univers d’Aya (et c’est tant mieux…) : c’est de « l’humanité » à gros bouillons qui est déversé et ça fait drôlement du bien. Sur la forme, c’est un peu la même chose : le scénario aime à nouveau s’enrouler autour de plusieurs intrigues, centrées sur des personnages secondaires, dans lesquelles l’héroïne a son rôle à jouer ; le découpage cisèle impeccablement le récit pour nous faire languir et, bien sûr, il y a le dessin. Singeon offre en effet, pour sa première grosse BD, un trait moderne donnant beaucoup de rythme à l’ensemble et pile poil dans le ton du récit, pour ce qui est de la charge émotionnelle. On adore les cadrages, les pleines planches, les hachures et la justesse de la colorisation. Bref un excellent début.