L'histoire :
Tous semblent dormir dans la maison de Georges. C’est pourquoi, il est temps pour lui de faire la petite escapade nocturne qu’il s’est promise et de rejoindre le bois épais qui borde son habitation. Avant tout, il fait un petit détour par le frigidaire, pour une part de pizza et un œuf qu’il enveloppe délicatement dans son mouchoir, avant de quitter la demeure silencieuse. Dehors, éclairé par sa lampe torche, il avance à pas feutrés, quelque peu apeuré par les bruits nocturnes de la forêt. Arrivé prés d’un arbre géant, il s’assoit et attend, serrant son œuf précieusement : il semble que notre ami ait un étrange rendez vous… Le lendemain, devant le collège, c’est au tour de son copain Caetano de faire le pied de grue. Lui, en revanche, il n’a aucun rencart de prévu. Il aimerait tellement pourtant en avoir un avec Lizon, une petite blonde fumant comme une sapeur et dont les formes lui font grand effet. En attendant, il se contentera d’un gouter avec Bertrand et des quelques histoires à dormir debout que ce dernier aime raconter. Celle, par exemple, des cercueils volants qui prennent en chasse les gens qui se baladent seuls la nuit. Caetano n’y croit pas, mais lorsqu’il quitte son copain à la nuit tombée, après s’être gavé de jeux vidéo, il est bien loin d’être rassuré. Et pour cause…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Difficile de savoir ce qui, à la lecture de cette Bayou là, dérange : l’univers acidulé proposé par Mathieu Jiro et les culottes courtes des gamins avaient a priori tout lieu de nous rassurer. Pourtant, il est bel et bien là, le début de malaise, qui force l’oreille à se tendre un peu plus qu’à l’accoutumé, qui fait sentir une présence juste derrière soi… Attendez-vous donc à partager le quotidien quasi banal de 3 collégiens, emplis de préoccupations bien à eux (jeux vidéo, amourette, problèmes familiaux…) et de rencontres plus éprouvantes qu’ils font parfois… Ah ! Nos 2 coquins ont visé juste et qu’ils ne nous fassent pas croire qu’ils n’avaient pas l’intention de nous malmener un chouya : jouer avec l’univers de l’enfance en le débarrassant de sa naïveté via un bestiaire pioché dans diverses cultures, n’offre pas d’autre possibilité que celle de nous dérouter. Au-delà, avec un peu plus de recul, les bestioles, ectoplasmes, œuf glouton ou autre cercueil, font plus que servir la cause du conte horrifique ou fantastique : ils permettent aux pulsions adolescentes de s’exprimer pour mieux aider les chérubins à traverser le ruisseau. Outre l’occasion qui nous est offerte de nous promener dans un graphisme innovant, parfait témoin de la volonté de son auteur d’explorer son art, le dessin participe également à cette douce tension : la disproportion des visages ; les cadrages refusant de montrer le facies des parents ou les jeux d’ombres sont subtilement utilisés. Un ouvrage surprenant à bien des égards et qui pour peu que l’on réussisse à surmonter le malaise se révèle plein de leçons.