L'histoire :
Jean-Paul est né dans un milieu rural, à Ruméville plus précisément, dans l’est de la France. Ruméville est une ville de garnison sans rien autour. L’été, il joue sur les chemins de halage entre la Meurthe et la Moselle, scrutant les jolies filles sans pour autant réussir à les séduire. Frustré, Jean-Paul ne cesse de ruminer sur son manque de pot. A 14 ans, peu intéressé par l’école, il devient apprenti. Commence alors une vie médiocre faite de vols et de larcins. Il passe quelque temps en prison avant de travailler dans un garage en tant que mécanicien. Il finit par se faire renvoyer et décide de se faire oublier en prenant un aller simple pour Paris. Dans la France de De Gaulle, le pays s’enrichit et se développe grâce à sa main d’œuvre, notamment immigrée. Mais c’est aussi l’époque de la guerre d’Algérie, de la montée de la xénophobie et de la création de l’OAS... Jean-Paul est désenchanté, nihiliste et tout l’indiffère : le sort de l’Algérie, la construction du mur de Berlin, la guerre froide… Entre petits boulots, escroqueries et parties de jambes en l’air, Jean-Paul va mener un train de vie semblable à un chemin de croix…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les Trente Glorieuses, nom donné à la période de forte croissance allant de 1945 au début des années 70, nous sont toujours présentées comme l’âge d’or de l’économie française. C’est en effet l’époque du Concorde, de la modernisation agricole et de la médiatisation du « Petit monarque de la République »… Mais c’est aussi l’exode rural et la ville qui vide les campagnes de sa main d’œuvre. Ici, Bruno Heitz, déjà remarqué pour Un privé à la cambrousse, choisit, sous un jour cruel, de nous montrer la face sombre de cette période à travers un anti-Rastignac cocasse. Gauche, sans ambitions, indifférent à tout, lâche et un peu plouc, Jean-Paul bascule bien malgré lui dans la délinquance de bas étage : escroquerie à l’assurance, fomenteur d’attentats... Heitz parle d’une époque avec le charme de la désuétude, mais sans la nostalgie et la sensiblerie de bon aloi, bien au contraire. Car, pour cet anti-héros, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille. Cette France des Trente Glorieuses, en train de disparaître, reflète un monde suranné. Une époque aussi, que ne regrettera sûrement pas notre anti-héros. Dans cet esprit, le dessin rond, simple et suggestif, rehaussé de couleurs pastel, joue correctement son rôle. S’appuyant sur des portraits de ploucs et de perdants, au cœur d’une époque faite de malaise et de frustration (mai 68 en est peut-être l’écho le plus significatif), Heitz décrit la France de De Gaulle avec une belle finesse, pour finir avec une pirouette narrative maligne. Ironie de l’histoire, les perdants sont parfois, sans le vouloir, ceux qui ont le plus à gagner : l’attentat manqué du Petit Clamart a pour cause l’intervention involontaire d’un parfait anonyme, Jean-Paul ! Sympathique, J’ai pas tué de Gaulle vous fera passer un moment agréable.