L'histoire :
Félix est né prés de Nice, sous le règne de Napoléon III, en 1863. Veuf très tôt, son père l’élève à la dure et distribue plus de coups que de caresses. L’école et le curé, Félix n’aime pas trop ça. Il préfère courir les collines pour y piéger les lapins. Aussi, très vite, s’engage-t-il comme mitron chez un boulanger à Nice. Tout en effectuant ses livraisons, il aime se promener sur le port sans jamais se lasser d’observer les bateaux partir. Il n’a que 12 ans et bientôt, à force de les regarder, il finit par embarquer sur un voilier comme mousse. Léger et fort, il travaille dans les voiles, puis il occupe le poste de vigie sur un baleinier. Sur le navire, les conditions de vies sont tellement infernales que le commandant évite de faire escale ailleurs que sur des îles. Sans ça, il sait qu’il devra faire face à un nombre importants de désertions. Mais une grosse avarie le contraint pourtant à accoster dans un vrai port. Félix, comme la majorité de l’équipage, en profite pour se libérer. Félix voyage. Mer de chine, mer rouge, Océan Pacifique… Et puis il fait naufrage au sud de San Francisco. Il a bientôt 16 ans. Il quitte momentanément la mer pour sillonner l’ouest des États-Unis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire de Félix, son grand-père, qu’Edmond Baudoin choisit de nous faire partager, au rythme d’une incroyable épopée nous baladant à la fin du XIXéme siècle sur le continent américain. Il suffira d’écouter, tout comme l’auteur le faisait gamin, Jean (fils de Félix et père d’Edmond) conter cette épaisse saga pour que se dévoile peu à peu l’un des pans les plus riches de l’Histoire américaine. Imaginez la vie infernale à bord des baleiniers, les naufrages au sud de San Francisco, la concession aurifère dans le Nevada. Imaginez la chasse au bison, Buffalo Bill, Sitting Bull, la construction du Canal de Panama, celle du pont de Brooklyn ou l’engagement dans la marine des États-Unis. Félix était partout. Un peu comme si chaque étape de son aventure américaine était un petit caillou semé par l’Histoire. Un autre Forest Gump, en quelque sorte, celui d’un autre temps. Au-delà de cette évocation gorgée du regard admiratif de l’enfant à l’égard de ce grand-père aussi mystérieux qu’héroïque, Baudoin superpose très habilement une réflexion plus adulte. En particulier, il soulève très justement toute la problématique de conquête, de colonisation, principalement exacerbées par la question indienne. Et puis il met en perspective, avec toutes les zones d’ombres et les non-dits de l’aventure américaine de son grand-père, le propre rôle de ce dernier. Il n’a qu’une certitude : celle que la réalité vécue par Félix était moins lisse que celle contée. Mais pour autant, était-il meilleur que les autres colonisateurs ? A-t-il participé à des horreurs ? Victime passive ou acteur de l’Histoire ? Enfin, dans une courte deuxième partie, l’auteur prolonge sa réflexion en nous livrant sa propre expérience du continent américain et sa découverte personnelle de la destruction massive de la culture amérindienne. Voilà de quoi, en tout cas, ne pas laisser indifférent et livrer une réflexion particulièrement riche doublée du récit d’une destinée hors du commun.