L'histoire :
Ça devait lui trotter depuis un moment dans la tête… Toujours est-il que c’est allongé sur son lit avec sa frangine Nicole, qu’un soir, en fumant des clopes et en regardant le journal télé, il s’est exprimé tout haut, pour parler de son projet : rencontrer une femme très belle et plus âgée. Mais attention : pas pour la bagatelle et tutti quanti. Non ! Quelqu’un à qui il pourrait se confier. Quelqu’un qui le comprendrait. Bref une mère adoptive, quand bien même ses parents sont toujours vivants ! Nicole est à demi-surprise. Il faut dire qu’elle aime trop son frère pour tenter de le contrarier. Par contre, si c’est de gros câlins dont il a besoin, elle est prête sans problème à le papouiller. Que nenni ! Adrien n’a pas besoin de sa sœur qui, entre parenthèses, n’a qu’à se trouver un mec au lieu de l’emmerder. Il lui faut une femme de 40 ans. Une qu’il respectera au plus haut point… Et à la lecture d’une annonce dans Libération, notre jeune homme trouve sa perle rare : Olivia. Elle a toujours rêvé d’avoir un grand fils avec qui elle pourrait sortir et qu'elle pourrait présenter à tout le monde. Le « marché » est vite conclu. Tout va rouler pour le mieux. A moins que Nicole transpire de jalousie. Ou que Mickael Jackson joue les trouble fête. Voire qu’un chauffeur pour vieille dame s’adonne à un bel exercice de méchanceté…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la faire courte, un satellite ça tourne autour (en général d’une planète), souvent plutôt sagement et sans autre prétention que de continuer à tourner pour éviter de dégringoler. C’est à partir de cette astucieuse métaphore qu’Alexandre Franc imagine ici une fable moderne. En son centre, il met en scène un jeu de relations aux sentiments ambigus, souvent déroutants – mais pourquoi pas – se faisant l’écho d’un certain nombre de post-ados qui peinent à s’émanciper. Pour assoir la démonstration, il nous confie principalement à Adrien qui, justement, s’évertue à jouer les Spoutnik autour « d’une mère adoptive » qu’il s’est dénichée par petite annonce dans Libé. L’idée permettra à une clique joliment ciselée de protagonistes, de virevolter à leur tour, histoire de voir jusqu’où ils peuvent aller. Car même si au final on regrette l’absence de véritable basculement dans le scénario, on comprend vite que l’intérêt de la manœuvre est de permettre à chacun d’atteindre les limites de la construction de son propre raisonnement autour des sentiments. Ainsi, le scénariste se joue avec une certaine malice de l’amour et de ses formes. Pêle-mêle, s’entrelacent alors sentiments incestueux, amour tarifé, relations intergénérationnelles équivoques, jalousie-dépendance et besoin de se sentir exister. Le revers de l’exercice est de rendre l’ensemble des protagonistes peu sympathique et peu attachant. A l’inverse, le dessin particulièrement élégant de Claire de Gastold nous accroche de bout en bout. On aime le style et la finesse « féminines » du trait, le choix de la colorisation et la justesse des regards qui constituent un véritable atout de ce projet.