L'histoire :
Edgar P. Jacobs fait son arrivée dans le monde à Bruxelles, le 30 mars 1904, au temps des fiacres, des lampes à pétrole et des poêles à charbon. Il s’en faut d’ailleurs de peu pour que cette entrée soit de courte durée et que les doux-dingues de Blake et Mortimer ne fassent jamais connaissance avec ses fameux héros de bande dessinée : à l‘âge de 2 ans, Jacobs fait une chute au fond d’un puits et en réchappe miraculeusement. Très vite, notre bonhomme a la fibre musicale et suit comme envoûté, alors qu’il a à peine 4 ans, les flots d’harmonie de la fanfare qui passe devant chez lui. La musique et le théâtre – bientôt – le fascinent à tout va. Si bien qu’il réalise à l’âge de 10 ans une scène en papier pour de petits jeux d’ombres chinoises. Très vite, la fibre créatrice l’emporte sur le reste. D’autant qu’il a de formidables prédispositions pour le dessin, qu’il met à profit, en particulier, pour illustrer ses leçons d’Histoire, une matière qui le passionne. Musique, dessin : 2 passions servies par son talent qui ne le quitteront jamais. Deux passions pour lesquelles il devra opérer un choix. Mais le destin en décidera autrement...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une fois n’est pas coutume, nous commencerons par faire un détour du côté de la conclusion de cette épaisse autobiographie (rééditée). Edgar P. Jacobs y exprime en effet singulièrement le bilan qu’il fait de plus de « (…) 60 années de quête alimentaire, dont 36, exclusivement consacrées à cette satanée bande dessinée ! ». Avant d’ajouter que « Seule, la lointaine et éphémère « séquence lyrique », toute rayonnante de jeunesse, d’enthousiasme… et d’illusion, vient illuminer cette grisaille. ». Étonnante confession, teintée de brefs regrets, qui fait admettre aux lecteurs immodérément – ou pas – fanas de la fameuse série Blake et Mortimer un double constat. D'abord celui que le chemin de la « gloire » – si facilement admis par les aficionados – fut laborieux. Avec des reconnaissances honorifiques ou des récompenses matérielles particulièrement tardives… Enfin, que le chemin emprunté n’est pas celui que Jacobs aurait choisi s’il avait pu guider lui-même sa destinée. Car outre ce formidable talent crayon en main, le bruxellois était tout aussi doué pour le chant – qu’il exerça quelques temps à titre professionnel. A lire ces mémoires, on sent bien vers quel talent artistique son cœur aurait basculé si les hasards de la vie le lui avaient permis. Pour autant, l’auteur admet que le « (…) rôle assigné par Le Grand Scénariste aurait pu être pire !... ». Et ainsi de reprendre en quelques 200 pages cet étonnant parcours. L’enfance, les parents, deux guerres, la découverte d’une passion pour la musique et son irrésistible besoin de dessiner, l’école, l’ami Jacques, son travail en tant que dessinateur de catalogue commercial et celui d’artiste lyrique… forment ainsi le premier bataillon de souvenirs. Puis la déveine et l’orientation « obligée » vers le dessin, les premières bandes dessinées (avec notamment le « plagiat » nécessaire de Flash Gordon puis le Rayon U dans le magazine Bravo), la rencontre d’Hergé, sa collaboration au journal Tintin et la création de Blake et Mortimer… scellent définitivement son entrée dans le 9éme art. Au final, fan ou non, on se passionne assez facilement pour cette incroyable et épaisse tranche de vie, surtout parce que l’ensemble progresse par anecdotes. Qui plus est agrémentée de nombreuses photos d’époques, de chouettes illustrations (peintures, dessins, strips…) de l’auteur et aussi de savoureux making-of des albums de Blake et Mortimer. Une belle plongée, en tout cas, fascinante et instructive, dans la vie et l’œuvre d’un des pères de la BD.